Parution : Sandra Deloor, Des pilotis pour la sémantique. Contribution à une épistémologie de la discipline

Parution : Sandra Deloor, Des pilotis pour la sémantique. Contribution à une épistémologie de la discipline

Parution : Sandra Deloor, Des pilotis pour la sémantique. Contribution à une épistémologie de la discipline

Je me permets de vous écrire pour vous informer que mon ouvrage Des pilotis pour la sémantique. Contribution à une épistémologie de la discipline paraîtra aux éditions Classiques Garnier le 28 mai 2025, dans la collection « Domaines linguistiques » dirigée par Franck Neveu.

Cet ouvrage a pour objectif de construire un cadre épistémologique d’inspiration poppérienne permettant de simuler la construction du sens (objectif de recherche) dans le cadre de la pragmatique intégrée (cadre théorique). A chaque étape de la réflexion, les pratiques les plus courantes en sémantique actuelle sont interrogées à l’aune de l’objectif de recherche et du cadre théorique définis et les principes épistémologiques proposés sont appliqués à la description et à la modélisation d’unités et de concepts linguistiques spécifiques (adverbes déjà, encore, simplement, apparemment, étrangement ; marqueurs de discours et encore, (et) dire que, autant dire (que), comme quoi ; concept de présupposition).

Je copie ci-dessous l’introduction de l’ouvrage et vous envoie en pièces jointes la table des matières et la couverture.

Bien cordialement,

Sandrine Deloor

 

The empirical basis of objective science has thus nothing ‘absolute’ about it. Science does not rest upon solid bedrock. The bold structure of its theories rises, as it were, above a swamp. It is like a building erected on piles. The piles are driven down from above into the swamp, but not down to any natural or ‘given’ base; and if we stop driving the piles deeper, it is not because we have reached firm ground. We simply stop when we are satisfied that the piles are firm enough to carry the structure, at least for the time being.

Karl Popper, The Logic of Scientific Discovery.

 

INTRODUCTION

Le sémanticien étudie le « sens », quelque chose qu’il ne sait pas définir et auquel ses organes sensoriels ne lui donnent pas accès. Pour étudier ce quelque chose, il utilise son cerveau. Or c’est précisément son cerveau qui lui donne accès à ce quelque chose. Et pour communiquer ses hypothèses sur ce quelque chose, il utilise des mots. Or ce sont précisément les mots qui véhiculent ce quelque chose qu’il étudie et qu’il ne sait pas définir.

En résumé, le sémanticien n’a pas la tâche facile. Il peut très vite tourner en rond sans s’en apercevoir. S’il recourt à des énoncés ambigus pour rendre compte de l’ambiguïté des énoncés ambigus qu’il étudie, il n’aura au final pas rendu compte de l’ambiguïté. S’il se sert de ce qu’il cherche à expliquer pour expliquer ce qu’il cherche à expliquer, il n’aura au final rien expliqué. Face à cette double menace de circularité, le sémanticien a besoin de garde-fous : il doit à tout moment se demander ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Et la recherche d’objectivité ne doit pas le détourner du « sens », ce quelque chose qu’il ne sait pas définir mais sur lequel il doit concentrer tous ses efforts. Le sémanticien marche sur du sable mouvant, certes, mais la sémantique est possible, pourvu que l’on ne nie pas l’existence de ce sable mouvant.

Lorsque le sol sur lequel on se propose de construire quelque chose n’est pas stable, il faut prendre du temps pour réfléchir aux fondations. Sans bases solides, les plus beaux châteaux ont peu de chances de rester debout longtemps, les constructions les plus sophistiquées courent le risque de s’effondrer du jour au lendemain. En sémantique, les questions à se poser avant de bâtir quoi que ce soit sont nombreuses : quel est l’objectif de la discipline ? de quels observables le sémanticien se propose-t-il de rendre compte ? comment peut-il les formuler ? comment peut-il les objectiver ? qu’est-ce qu’une explication en sémantique ? comment obtenir la reproductibilité et la falsifiabilité ? comment s’assurer qu’une description sémantique est explicite ? comment faire en sorte qu’une modélisation soit à la fois prédictive et explicative ?

L’objet du présent ouvrage est de rappeler l’importance de ces questionnements. Après avoir défini l’objectif que l’on se propose d’assigner à la sémantique et le cadre théorique dans lequel il sera poursuivi, on se demandera tour à tour comment « dire » le sens, comment « observer » le sens et comment « expliquer » le sens. Pour chacune de ces questions, on examinera les pratiques les plus courantes en sémantique actuelle en se demandant à chaque fois si elles sont compatibles avec le cadre théorique défendu et si elles permettent d’atteindre l’objectif défini. Au fur et à mesure de ces explorations, on présentera un ensemble de concepts et de distinctions permettant d’éviter les principaux écueils, à l’intérieur du cadre proposé.

Comme on l’aura compris, on ne prétend pas ici stabiliser le sol de la sémantique pour tous les sémanticiens, on ne prétend pas fonder l’épistémologie de « la » sémantique en général. Ce sont des pilotis que l’on se propose de construire, et c’est pour soutenir une certaine conception de la sémantique, dans un certain cadre théorique, que ces pilotis seront conçus. Néanmoins, on considère que les questions abordées dans cet ouvrage sont cruciales pour tous les sémanticiens et qu’elles doivent être jugées prioritaires dans toutes les approches. C’est cette thèse qui sera développée dans ce qui suit, au-delà des partis-pris théoriques et des querelles doctrinales : la sémantique a besoin d’épistémologie, elle ne pourra pas progresser sans une réflexion approfondie sur ses fondations.

Table des matières