Appel à contributions : JE jeunes chercheurs, “La langue comme source”, 25 juin, École des Chartes, Paris

Appel à contributions : JE jeunes chercheurs, “La langue comme source”, 25 juin, École des Chartes, Paris

Appel à contributions : JE jeunes chercheurs, “La langue comme source”,
25 juin, École des Chartes, Paris

Langue source, journée études Chroniques Chartistes 2025L’édition annuelle de la journée d’études jeunes chercheurs organisée dans le cadre des Chroniques chartistes aura lieu le 25 juin 2025 à l’École nationale des chartes. Cette journée est l’occasion pour les masterant·e·s, doctorant·e·s et post-doctorant·e·s de se réunir autour d’une thématique commune. Cette année, la journée sera consacrée à l’exploration des problématiques posées par le langage dans les sciences humaines, la littérature et les humanités numériques.

« Les langues », écrit Victor Hugo dans la préface de Cromwell, « sont comme la mer : elles oscillent sans cesse. À certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et en envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s’efface du sol. » Si elle permet de transmettre le savoir et de conserver la mémoire des sociétés, la langue est aussi un objet instable, soumis aux évolutions du temps et aux usages qui en modifient le sens. Peut-on dès lors considérer la langue comme une archive fiable ? Son caractère changeant ne remet-il pas en question son statut de source historique ? Ce colloque propose une exploration de la langue comme outil et sujet des sciences humaines, en croisant les approches de l’histoire, de la linguistique, de la littérature et des humanités numériques. Dans un monde où l’oralité et l’écrit s’entrelacent et où le numérique redéfinit les cadres du langage, il s’agira de questionner la place de la langue dans l’élaboration du savoir historique et la construction des identités collectives.
En sciences humaines, la notion de source façonne les méthodes et définit les limites du savoir. L’historien s’appuie traditionnellement sur des documents écrits et des traces matérielles pour reconstituer le passé. Les archives écrites ne sont cependant pas exemptes de biais. La langue elle-même peut trahir la réalité qu’elle prétend refléter : que nous disent les mots d’une époque sur sa vision du monde, ses hiérarchies, ses exclusions ?
La langue est en effet au cœur des rapports de pouvoir. Elle est un marqueur social, un vecteur d’appartenance et un instrument de domination. Qu’elle soit imposée par un État centralisateur ou revendiquée comme symbole d’une identité résistante, elle structure les dynamiques politiques et culturelles. Les langues minoritaires, souvent marginalisées, deviennent des objets de mémoire, des « archives vivantes » d’une résistance culturelle et politique. L’étude des registres de langue – du jargon administratif à la langue populaire – révèle des enjeux de domination et d’appropriation. Quel rôle jouent les emprunts, les transferts linguistiques et les innovations lexicales dans cette construction identitaire ? Dans le cadre de ce colloque, nous interrogerons la manière dont la langue exclut ou rapproche, identifie ou dissimule.
Nous nous intéresserons également à l’apport des humanités numériques à ces champs de recherches, à une époque où les nouvelles technologies redéfinissent notre rapport au langage. L’archivage des données linguistiques à travers les corpus numériques, les algorithmes de reconnaissance et d’analyse textuelle posent de nouveaux défis aux chercheurs. Peut-on modéliser la langue pour en faire une source exploitable ? Le numérique génère-t-il de nouvelles formes d’archives, de nouveaux systèmes qui imposent une révision méthodologique ? L’automatisation de l’analyse textuelle renouvelle-t-elle les outils du chercheur, ou génère-t-elle au contraire de nouveaux biais ?
Lorsque l’archive fait défaut, lorsque les textes manquent ou disparaissent, la langue devient finalement elle-même un objet d’étude. La langue est-elle une source fiable, ou, au contraire, un prisme déformant ? Comment peut-on l’appréhender lorsqu’elle échappe à toute fixation documentaire ? Parole et écriture, langage officiel et idiomes populaires, registres savants et expressions quotidiennes : la langue se manifeste sous des formes multiples et témoigne d’une tension entre norme et variation, centralisation et diversité, inclusion et exclusion. Étudier la langue comme source, c’est s’interroger sur son rôle dans la transmission des savoirs, dans l’évolution des cultures et dans les rapports que nous entretenons avec nous-mêmes et avec les autres. Car la langue ne se contente pas d’être un support : elle modèle aussi les perceptions, façonne les récits et impose des cadres d’interprétation du réel.
Bibliographie indicative :
  • AUROUX, Sylvain (dir.), Histoire des idées linguistiques, Liège, Mardaga, 1989-2000.
  • BACHIMONT, Bruno, Le sens de l’archive à l’ère numérique, Paris, Armand Colin, 2010.
  • BARTHES, Roland, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1953.
  • BENVENISTE, Émile, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966-1974.
  • BLOCH, Marc, Apologie pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1949.
  • BOURDIEU, Pierre, Ce que parler veut dire : l’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982.
  • CHARTIER, Roger, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998.
  • CHOMSKY, Noam, Language and the Mind, Cambridge University Press, 2006.
  • FANON, Frantz, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, 1952.
  • FOUCAULT, Michel, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
  • KLEMPERER, Victor, LTI – Lingua Tertii Imperii: Notizbuch eines Philologen, 1947.
  • LABOV, William, Sociolinguistic Patterns, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1972.
  • NUNBERG, Geoffrey (dir.), The Future of the Book, Berkeley, University of California Press, 1996.
  • RICŒUR, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
  • WAQUET, Françoise, Le latin ou l’empire d’un signe, XVIe – XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.

Pour chaque proposition, un résumé avec titre de 300 à 500 mots (français ou anglais), une brève biographie de votre parcours ainsi qu’une bibliographie restreinte sont attendus. Les propositions doivent être envoyées au plus tard le15 avril 2025 à l’adresse :
À terme, la publication des actes de la journée d’études est prévue. Une aide financière est envisageable pour le déplacement et l’hébergement, dans la mesure du possible.

Comité scientifique : François Ploton-Nicollet, professeur de langue et littérature latines et de codicologie à l’ENC et Benedetta Salvati, doctorante à l’ENC.
Comité d’organisation : Justine Coquentin, élève archiviste paléographe de 2e année à l’ENC ; Colette Loutrel, élève archiviste paléographe de 4e année à l’ENC ; et Émilie Guidi, étudiante en 2e année de Master “Humanités numériques” à l’ENC.