Marqueurs modaux, énonciation et argumentation 2.
De la théorie à l’analyse
linguistique.
37e Colloque international CerLICO 2025
Les 23-24 mai 2025, Université Bretagne sud, Vannes
Les colloques du CerLiCO développent une même thématique sur deux ans. L’édition 2024 « Marqueurs modaux, énonciation et argumentation » avait proposé une réflexion sur la complexité des interfaces de trois champs de recherche linguistique autour de la prise en charge du langage par les sujets parlants : la modalisation discursive, l’énonciation et son appareil conceptuel et, enfin, l’argumentation « dans la langue et dans le discours ».
Elle plaçait l’énonciation au cœur de cet espace d’échanges pour construire trois axes : (i) l’énonciation : modalisation et argumentation ; (ii) des marqueurs modaux au processus de modalisation et (iii) de l’argumentation au potentiel argumentatif des entités linguistiques.
L’édition 2025 ajoute en sous-titre « de la théorie à l’analyse linguistique » afin d’accentuer l’attention accordée à ce qui résulte de l’acte d’énonciation, c’est-à-dire la matérialité langagière, qu’on l’appelle énoncé, textes ou discours. En accordant une place toute particulière à l’analyse, cette édition invite à une mise à l’épreuve des dispositifs théoriques et méthodologiques qui permettent la description d’opérations de prise en charge
par un énonciateur.
Portée par le PREFics (Pôle de Recherche Francophonies, Interculturel, Communication, Sociolinguistique), elle invite également à s’inscrire dans une analyse de terrain et/ou de corpus discursifs, ancrée historiquement, sociologiquement et socialement.
Dans cette perspective, nous appelons à des propositions situées en sciences du langage et construites à partir de données empiriques sur les thématiques suivantes :
o Les marqueurs lexicaux, syntaxiques et prosodiques susceptibles d’inscrire une attitude du sujet. Cette thématique pourra regrouper des communications portant sur les dispositifs énonciatifs, tels que proposés depuis Benveniste (1966), Charaudeau (1992), Culioli (1991), Ducrot (1980) Maingueneau (1991), les marqueurs modaux (Gosselin, 2010) : formes verbales, entités lexicales, comme les verbes, adverbes modaux et les expressions verbales à adjectif, mais également des prédicats nominaux et verbaux à modalisation interne, intrinsèque (Galatanu, 2000) et les marqueurs prosodiques des affects.
o Les spécificités des terrains. A partir des travaux de Lahire qui affirme qu’« on ne peut comprendre scientifiquement le monde social sans l’observer (au sens large du terme) et sans prélever les indices ou les traces des mécanismes, processus ou fonctionnements qu’on prétend mettre en lumière» (Lahire, 2005 : 18), et des travaux de Blanchet pour qui le terrain « n’est pas uniquement ni principalement une aire territoriale, un espace géographique, un lieu où se produisent des phénomènes humains et sociaux et où l’on rencontre des humains et des sociétés. […] C’est avant tout un ensemble d’interactions (de relations, d’échanges, d’expériences) entre un chercheur et d’autres personnes » (Blanchet 2012 : 42), nous considérons que le terrain est construit pour une étude dans laquelle transcendent des points de vue complémentaires de locuteurs ou d’acteurs. Dans les différents contextes professionnels (médical, juridique, judiciaire, académique), scientifiques et technologiques, mais aussi et singulièrement dans les contextes construits par les dispositifs de recherche également augmentés de faisabilités inédites, et
y recourant en tant que « registres et stratifications du réel social que le chercheur veut investiguer » (Olivier de Sardan 1995), se dessinent de nouvelles configurations énonciatives mettant en jeu la notion de modalité. On peut se poser la question des relations qui s’établissent entre le positionnement énonciatif inscrit dans l’énoncé textuel et celui potentiellement inscrit dans d’autres formes de contributions sémiotiques pouvant ellesmêmes jouer le rôle d’instance de validation (personnelles ou impersonnelles). Quelle(s) relation(s) par exemple entre le sujet parlant, le sujet photographié ou encore le sujet filmé dans un même dispositif ? L’énonciateur sous-tendu par les marques linguistiques met-il en scène sa sémiotisation dans une perspective de distanciation au point où l’image pourrait fonctionner en instance de tiers validation ou l’incarnation par l’image vient-elle renforcer son point de vue, sa véridicité ou encore sa validité ?
o Avec la communication numérique et ses particularités, notamment pragmatiques (structuration et formats de participation, constructions des identités numériques et des relations interpersonnelles, etc.) (Marcoccia, 2017), de nouveaux types de marqueurs modaux ont émergé (emojis, émoticônes, mèmes, hashtags par exemple) (Paveau, 2013, Halté, 2016) qui interagissent avec ceux qui leur ont préexisté. Ils modifient les modalités d’expression des émotions (Béal et Péréa, 2016), élargissent celles de positionnement énonciatif et imposent la prise en compte de données multiformes (Pérez-Lagos, 2015). Les logiques d’intertextualité et la profusion de « mots-passeurs » (Bonaccorsi, 2013) vont également dans ce sens et multiplient les voix. Les textes générés sur ce terrain, facilement accessibles et structurables en corpus mettent à l’épreuve les cadres théoriques construits pour rendre compte des mécanismes mis en œuvre pour un ou plusieurs locuteur(s) identifié(s). Comment résistent-ils ? Comment s’adaptent-ils ?
o Spécificités des discours spécialisés : Devant l’interrogation devenue classique sur le choix entre langue de spécialité/spécialisée (Kokourek, 1991, Lerat, 1995) et discours spécialisé comme objet d’étude linguistique (Condamines, 1997, Swales, 1990, 1992, Tognini-Bonelli, 2001), les réponses, parfois contradictoires, le plus souvent complémentaires, ont dessiné les contours d’un domaine de recherche sur les rapports entre les pratiques instituées, voire institutionnalisées (professionnelles, scientifiques et technologiques), portées par des communautés de savoirs et de savoir-faire (Petit, 2010), d’une part et d’autre part, les traces saisissables dans la matérialité langagière des textes que ces communautés produisent. Dans le cadre général de la thématique du colloque, on pourrait s’interroger sur les marques du sujet dans les textes produits par les discours spécialisés, qu’il s’agisse de l’absence /versus/ présence du sujet énonciateur et/ou de son/ses destinataires, de la performativité assumée du discours (fiches techniques, discours médical de mise en œuvre des soins, discours judiciaire) ou au contraire d’une stratégie d’objectivation forte comme celle des traités scientifiques ou du discours juridique, pour ne citer que ces quelques exemples. Les propositions de communication attendues pourront également traiter du sort fait aux lexiques spécialisés lors du passage des textes fondateurs du domaine aux discours de leur mise en pratique, en particulier aux termes à double appartenance (lexique spécialisé et lexique général). Il s’agirait de saisir l’inscription de leur potentiel discursif dans une intersubjectivité forte garante de la performativité visée, par exemple dans la pratique médicale, ou encore dans la pratique commerciale (James & Purchase, 1996) ou la pratique judiciaire (Galatanu, 2024).
Sans exclure d’autres approches….
o Le développement des outils d’analyse multimodale, discursive (Ferré, 2017), ou conversationnelle (Mondada, 2019), favorise la prise en compte d’indices à la fois verbaux et paraverbaux. En quoi ces outils permettent-ils d’enrichir la compréhension des mécanismes de modalisation effectivement mis en œuvre en contexte de communication interpersonnelle ?
o Mimant parfois à la perfection les productions humaines, les modèles d’intelligence artificielle s’appuient sur d’immenses corpus de données, influençant ainsi les énoncés qu’ils produisent. Bien qu’ils soient capables d’effectuer des tâches complexes, les IA n’ont pas de conscience ni d’intentionnalité réelle (Searle, 1980). Traditionnellement associée à l’acte de parole humain, l’énonciation, convoquant des processus de modalisation et d’argumentation, implique une intention, un point de vue, une subjectivité. Qu’en est-il des modèles de langage qui peuvent « simuler » des positions énonciatives en utilisant des marqueurs linguistiques associés à la subjectivité humaine ? Dans quelle mesure les marqueurs modaux, traditionnellement associés à l’expression de la subjectivité humaine, peuvent-ils être utilisés pour analyser les énoncés générés par des machines grâce à des algorithmes ? En d’autres termes, l’intelligence artificielle est-elle capable de manifester
des attitudes, des opinions ou des valeurs ? Si oui, comment ces manifestations peuvent-elles être identifiées et interprétées ?
Bibliographie
Badir, S. 2020, « La typologie sémiotique des modalités. Une mise au point », Semiotica, n°234, pp. 79-102.
Béal, C. & Perea, F. 2016, « Émotions en contextes numériques : Images de soi et affichage des affects en ligne », Cahiers de praxématique, n°66.
Bellachhab, A., Galatanu, O., Garric, N., Pugnière-Saavedra, F. & Rochaix, V. 2024, La figure de l’aidant. Contributions à l’évolution des pratiques, Paris, École des Mines.
Benveniste, E., 1966, Problèmes de linguistique générale I, Paris, Gallimard.
Bonaccorsi, J. 2013, « Approches sémiologiques du web », Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales. Paris, Armand Colin, pp. 125-146.
Ferre, G. 2019, Analyse du discours multimodale. Gestualité et prosodie en discours, Grenoble, UGA Editions.
Charaudeau, P. 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette.
Condamines, A. 1997, « Langue spécialisée ou discours spécialisé ? », in L. Lapierre, I. Oore, H.T. Runte (dir.), Mélanges de linguistique offert à Rostislav Kocourek, Les Presses d’Alfa, pp. 171-184.
Culioli, A. 1991, Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et représentations, Tome 1, Ophrys.
Ducrot, O. 1980, « Analyse de texte et linguistique de l’énonciation », in O. Ducrot et al. (dir.), Les mots du discours, Paris, Editions de Minuit, pp.7- 56.
Galatanu, O. 2000, « Langue, discours et systèmes de valeurs », in E. Suomela- Salmi (dir.), Curiosités linguistiques, Turku, Presses Universitaires de Turku, pp. 80-102.
Galatanu, O. 2024, « Potentiel argumentatif du vocabulaire juridique et orientation axiologique du discours judiciaire », Cédille. Revista de estudios franceses. https://doi.org/10.25145/j.cedille.2024.25.06
Gosselin, L. 2010, Les modalités en français : la validation des représentations, Amsterdam, Rodopi.
Halté, P. 2016, « Emoticônes et modalisation dans un corpus d’enseignement par t’chat », Eléments de linguistique appliquée, n°184, pp. 441-453.
Holzem, M. et al. 2013, « Des traces numériques pour une appropriation cognitive », Traces numériques, B. Galinon-Melenec, S. Zlitni (dir.), Paris, CNRS Éditions.
James, G. & Purchase, J. 1996, English in Business Studies and Economics. A Corpus-based Lexical Analysis (L’anglais dans les études de commerce et d’économie. Une analyse lexicale basée sur le corpus), Hong Kong : Centre de langues, Université de Science et Technologie de Hong Kong.
Jost, F. 2022, Est-ce que tu mèmes ? De la parole à la pandémie numérique, Paris, CNRS Editions.
Kerbrat-Orecchioni, C. 2005, L’énonciation : de la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin.
Kerbrat-Orecchioni, C. 2010, L’argumentation dans le discours, Paris, Armand Colin.
Kokourek, R. 1991, « Textes et termes », META, n° 36(1), pp.71-76.
Lerat, P. 1995, Les langues spécialisées, Paris, PUF.
Marcoccia, M. 2016, Analyser la communication numérique écrite, Paris, Armand Colin.
Mondada, L. 2017, « Le défi de la multimodalité en interaction », Revue française de linguistique appliquée, n° 22(2), pp. 71-87.
Olivier de Sardan, J.-P. 1995, La rigueur du qualitatif : les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique, Louvain-La-Neuve, Academia-Bruylant.
Paveau, M.-A. 2013, L’analyse des discours numériques. Dictionnaire des formes et des pratiques, Paris,Hermann.
Petit, M. 2010, « Le discours spécialisé et le spécialisé du discours : repères pour l’analyse du discours en anglaise de spécialité », E-rea (Revue électronique d’études sur le monde anglophone), n°8(1).
https://doi.org/10.4000/erea.1400
Plantin, C. 2005, L’argumentation : Histoire, théories, perspectives, Paris, PUF.
Searle, J. R. 1980, « Minds, brains, and programs », Behavioral and Brain Sciences, n° 3, pp. 417-424.
Swales, J. 1990, Genre Analysis. English in academic and research settings, Cambridge, Cambridge University Press.
Tognini-Bonelli, E. 2001, Corpus Linguistics and Work, Amsterdam-Philadelphia, John Benjam.
Wagener, A. 2022, Mèmologie : théorie postdigitale des mèmes, Grenoble, UGA éditions.
Comité scientifique
Sophie Anquetil (Université de Limoges),
Abdelhadi Bellachhab (Nantes Université),
Sonia Berbinski (Université de Bucarest),
Georgeta Cislaru (Université Paris Nanterre),
Gilles Col (Université de Poitiers),
Ana-Maria Cozma (Université de Turku),
Alexandra Cunita (Université de Bucarest),
Marianne Doury (Université Paris-Descartes),
Olga Galatanu (Nantes Université),
Nathalie Garric (Nantes Université),
Pierre Halté (Université Paris-Cité),
Pierre Larrivée (Université de Caen),
Gudrun Ledegen (Université Rennes2),
Julien Longhi (CY Cergy Paris Université),
Catherine Moreau (Université BordeauxMontaigne),
Sylvester Osu (Université de Tours),
Joëlle Popineau (Université de Tours),
Henri Portine (Université Bordeaux-Montaigne),
Frédéric Pugnière-Saavedra (Université Bretagne Sud),
Valérie Rochaix (Université de Tours),
Alice Vittrant (UniversitéLumière Lyon 2).
Comité d’organisation
Abdelhadi Bellachhab (Nantes Université, PREFICS),
Valérie Bonnecaze (Université Bretagne Sud, PREFICS),
Ana-Maria Cozma (Université de Turku),
Olga Galatanu (Nantes Université),
Nathalie Garric (Nantes Université, PREFICS),
Edison Giovanny Contreras (Université Bretagne Sud, PREFICS),
Frédéric Pugnière-Saavedra (Université Bretagne Sud, PREFICS),
Valérie Rochaix (Université de Tours, LLL),
Somayeh Towhidi (Université Bretagne Sud, PREFICS).
Modalités de soumission
Les propositions anonymes sont à envoyer avant le 10 janvier 2025. Elles comporteront une présentation de la problématique et des données (environ 500 mots / 3000 signes) ainsi qu’une brève bibliographie. Elles pourront être rédigées en français ou en anglais. Elles sont à envoyer par courriel en fichier attaché en docx à l’adresse suivante : cerlico2025@gmail.com
Merci de bien vouloir indiquer clairement dans le corps du message :
– Le nom de l’auteur (des auteurs)
– L’affiliation
– Le titre de la communication
Informations pratiques
• Date limite d’envoi des propositions : 10 janvier 2025
• Date de notification aux auteurs : 31 janvier 2025
• Montant des droits d’inscription au colloque :
– Adhérents au CerLiCO : 120€
– Non-adhérents au CerLiCO : 200€
– Doctorants : 100€
• Dates du colloque : 23-24 mai 2025
• Lieu : Université Bretagne sud, Vannes.
• Les résumés seront diffusés après l’inscription au colloque. Les informations seront disponibles sur le site du CerLiCO
(https://cerlicoasso.wordpress.com/)
• Un ouvrage collectif est prévu à l’issue du colloque à partir d’une sélection d’articles.