Appel à contributions : Phrase et ponctuation.
Les fonctions d’une technique graphique
dans l’histoire des langues romanes
Section au 39. Romanistiktag
Universität Konstanz, Allemagne
22.–25. Septembre 2025
https://www.romanistiktag.de/xxxix-romanistiktag/sektionen/sektion-14/#english3
Organisateurs:
Andreas Dufter (Ludwig-Maximilians-Universität München);
Klaus Grübl (Universität Leipzig)
Contact: dufter@lmu.de; klaus.gruebl@uni-leipzig.de
Les propositions de communication (4000 caractères maximum, espaces compris) sont à envoyer aux organisateurs avant le 31 décembre 2024.
L’émergence des premières grammaires des langues romanes à l’aube de l’époque moderne s’accompagna d’un débat sur la définition de la phrase, lequel se poursuit encore aujourd’hui (Ries 1931 ; Seguin 1993). Dans ce débat, la syntaxe a toujours joué un rôle privilégié, à côté de fonctions pragmatiques telles que la force illocutoire et la conception sémantique selon laquelle la phrase endosse un contenu propositionnel. Cependant, les approches qui visent à décrire la phrase comme le domaine maximal de régularités grammaticales se sont avérées problématiques, tout comme les critères formels qui feraient de la phrase une unité énonciative ‘complète’ et relativement ‘autonome’. De plus, les recherches récentes en syntaxe ont montré de façon convaincante que les énoncés elliptiques et les ‘fragments syntaxiques’ sont soumis, eux aussi, à des contraintes complexes d’ordre grammatical, interprétatif et de structure informationnelle (Merchant 2001 ; Winkler 2005 ; Hadermann et al. (éds.) 2012).
Pour la langue parlée, l’utilité du concept de phrase a même été fondamentalement remise en question (Auer 2000). Dans le même temps, la coévolution du concept de phrase, de la grammaticographie moderne et de la culture écrite a été analysée comme une ‘révolution technologique’ (Auroux 1994). Mais même pour certains types de textes écrits, la recherche a mis en évidence que la valeur sémantique et pragmatique des unités énonciatives ne coïncide pas nécessairement avec la forme syntaxique d’une phrase canonique. Il apparaît en effet que non seulement la mise en page, en tant qu’arrangement visuel des textes, mais aussi la division en phrases, en tant que ‘mise en texte’, est soumise à une variabilité historique considérable (Parkes 1992 ; Mortara Ga-ravelli (éd.) 2008) et à des conventions qui peuvent être spécifiques à une langue particulière (Rössler, Besl & Saller (éds.) 2021). Au niveau de la ponctuation, les structures prosodiques et les intentions communicatives peuvent également jouer un rôle déterminant, avec des variations importantes selon le contexte historique (Mazziotta 2009 ; Dauvois & Dürrenmatt 2011 ; Wilmet 2011 ; Siouffi 2017 ; Goux 2021). De même, le marquage graphique des phrases incomplètes par des points de suspension s’avère hautement stylisé (Rault 2015). La ‘crise’ des concepts normatifs concernant la phrase et la ponctuation (Mieszkowski 2019) semble s’aggraver encore à l’ère des messages instantanés et d’autres formes de communication numérique et multimodale, mais elle peut contribuer, en revanche, au développement de nouvelles stratégies discursives et de nouvelles conventions du codage visuel (Scheible 2015 ; Zappavigna & Logi 2024). En effet, les travaux classiques sur les textes écrits par des auteurs peu lettrés fournissent des approches intéressantes pour la description formelle et pragmatico-discursive de structures syntaxiques non canoniques et de formes de cohérence textuelle qui s’écartent des normes établies (Oesterreicher 1994 ; Branca-Rosoff 2009 ; Fresu 2016).
La section thématique vise à rassembler des chercheurs de différentes sous-disciplines – de la syntaxe et de la structure informationnelle à la linguistique de l’écrit, la linguistique textuelle, la philologie, la linguistique des médias et les études de la multimodalité. Ensemble, nous explorerons la théorie de la phrase et les diverses pratiques de la ponctuation à travers l’histoire et dans les langues romanes d’aujourd’hui, et chercherons à identifier les développements historiques et les tendances actuelles afin de mieux déterminer l’interdépendance entre les bases matérielles, les préceptes normatifs et les changements médiatiques et culturels. Historiquement, le champ d’investigation est délibérément large, allant de l’ère des manuscrits à celles de l’imprimerie et de la communication numérique.
Les contributions potentielles pourront, par exemple, aborder les questions suivantes :
– la théorie du concept de phrase de différents points de vue syntaxiques, sémantiques et pragmatiques ;
– la ponctuation dans les manuscrits médiévaux : usage de la ponctuation en fonction des genres textuels, mise en page et moyens paratextuels ; méthodes philologiques pour déterminer les unités syntaxiques dans les textes médiévaux ;
– limites (internes ou externes) de la phrase dans l’imprimerie à l’époque moderne ; aspects syntaxiques et pragmatico-discursifs de la standardisation typographique ;
– concepts de phrase, normes stylistiques et règles de ponctuation dans l’histoire de la grammaticographie et de la réflexion linguistique ;
– procédés de structuration syntaxique dans la communication numérique ; le concept de phrase à l’oral, à l’écrit et dans des contextes multimodaux ;
– formes de marquage graphique de l’incomplétude syntaxique et leur valeur empirique pour la modélisation grammaticale.
Les langues de travail de la section seront les langues romanes, l’anglais et l’allemand.
Conférences invitées
Mathieu Goux (Université de Caen Normandie)
Nicoletta Maraschio (Accademia della Crusca / Università degli Studi di Firenze)
Bibliographie
Auer, Peter. 2000. On line-Syntax – Oder: was es bedeuten könnte, die Zeitlichkeit der mündlichen Sprache ernst zu nehmen, Sprache und Literatur 85, 43–56.
Auroux, Sylvain. 1994. La révolution technologique de la grammatisation, Liège, Mardaga.
Branca-Rosoff, Sonia. 2009. L’apport des archives des « peu-lettrés » à l’étude du changement linguistique et discursif. In: Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli & Andres Kristol (eds.), Sociolinguistique historique du domaine gallo-roman. Enjeux et méthodologies, Bern, Peter Lang, 47–63.
Dauvois, Nathalie & Jacques Dürrenmatt. 2011. La ponctuation à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier.
Fresu, Rita. 2016. L’italiano dei semicolti. In: Sergio Lubello (ed.), Manuale di linguistica italiana, Berlin/Boston, De Gruyter, 328–350.
Goux, Mathieu. 2021. Ponctuation et connecteurs en français classique. Du reposoir (périodique) à la structure (phrastique), Çédille. Revista de estudios franceses 19, 127–156.
Hadermann, Pascale, Pierrard, Michel, Roig, Audrey & Van Raemdonck, Dan (eds.). 2012. Ellipse et fragment: Morceaux choisis, Brüssel, P.I.E. Peter Lang.
Mazziotta, Nicolas. 2009. Ponctuation et syntaxe dans la langue française médiévale. Étude d’un corpus de chartes originales écrites à Liège entre 1236 et 1291, Berlin/New York, De Gruyter.
Merchant, Jason. 2001. The Syntax of Silence, Oxford/New York, Oxford University Press.
Mieszkowski, Jan. 2019. Crises of the Sentence, Chicago, IL, The University of Chicago Press.
Mortara Garavelli, Bice (ed.). 2008. Storia della punteggiatura in Europa, Bari/Rom, Laterza.
Oesterreicher, Wulf. 1994. El español en textos escritos por semicultos. Competencia escrita de impronta oral en la historiografía indiana. In: Jens Lüdtke (ed.), El español de América en el siglo XVI, Frankfurt am Main/Madrid, Vervuert/Iberoamericana, 155–190.
Parkes, M. B. 1992. Pause and Effect. An introduction to the history of punctuation in the West, Aldershot, Hants, Scolar Press.
Rault, Julien. 2015. Poétique du point de suspension. Essai sur le signe du latent, Nantes, Éditions nouvelles Cécile Defaut.
Ries, John. 1931. Beiträge zur Grundlegung der Syntax. Heft III: Was ist ein Satz?, Prag, Taussig & Taussig.
Rössler, Paul, Besl, Peter & Saller, Anna (eds.). 2021. Vergleichende Interpunktion – Comparative Punctuation, Berlin/Boston, De Gruyter.
Scheible, Jeff. 2015. Digital Shift. The Cultural Logic of Punctuation, Minneapolis, MN/London: The University of Minnesota Press.
Seguin, Jean-Pierre. 1993. L’invention de la phrase au XVIIIe siècle. Contribution à l’histoire du sentiment linguistique français, Paris, Peeters.
Siouffi, Gilles. 2017. La ponctuation entre imaginaire et sentiment linguistique, Linx 75, 35–56.
Wilmet, Marc. 2011. Plaidoyer pour la phrase graphique. In: Gilles Corminbœuf & Marie-José Béguelin (eds.), Du système linguistique aux actions langagières. Mélanges en l’honneur d’Alain Berrendonner, Brüssel, De Boeck Supérieur, 221–234.
Winkler, Susanne. 2005. Ellipsis and Focus in Generative Grammar, Berlin/New York, De Gruyter Mouton.
Zappavigna, Michele & Logi, Lorenzo. 2024. Emoji and Social Media Paralanguage, Cambridge, Cambridge University Press.