Le site
Carminabase (https://carminabase.ehess.fr/) est une base de données en ligne de formules d’incantation médiévales. Son objectif est d’une part de fournir un accès direct et aisé aux sources, et d’autre part d’apporter aux historiennes et historiens médiévistes spécialistes de la magie, de la médecine ou de la parole, un outil performant rendant possible la mise en série des textes et leur examen systématique. Le projet est accompagné par le Collectif Sources et données de la recherche du CRH.
Image : « Ad sanguinem de naribus ». Charme contre le saignement de nez, Rouleau de Mülinen, Ms. Bern, Burgerbibliothek, 803, fol. 1v, XIe-XIIe siècles. |
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Le fonds de Carminabase est composé de « charmes », un terme issu du latin médiéval carmina. Il désigne des recettes courtes, composées au moins en partie d’un matériel langagier (mots, formules), dont l’objectif est d’exercer un effet concret sur le monde physique ou sur les êtres humains.
Ces sources se caractérisent par leur diversité et leur indétermination. Les charmes mêlent le latin et les langues vernaculaires. Ils sont conçus tantôt pour être énoncés oralement, tantôt pour être inscrits sur un support et portés sur soi ou administrés de diverses manières. Ils sont présents dans différents types de manuscrits : recueils de recettes, traités de médecine, marges et espaces blancs de divers manuscrits ou feuillets isolés. Une majorité d’entre eux a un but thérapeutique, mais on rencontre aussi des charmes pour la divination, l’amour, ou pour d’autres buts. La pratique des charmes est interdisciplinaire ; elle traverse les frontières entre magie, médecine et liturgie.Image : « Pour les plaies guairir ». Charme pour soigner les blessures, Ms. Saint-Brieuc, Bibliothèque André Malraux, n°1, fol 169v-170v, XVe siècle. |
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Enjeux d’une approche historique des charmes |
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L’histoire médiévale des incantations relève de deux domaines, la pratique et la doctrine. Du côté de la doctrine, les incantations se trouvent au cœur de controverses savantes sur le pouvoir des mots et la performativité. Théologiens, philosophes et médecins du Moyen Âge ont envisagé différentes sortes de paroles efficaces, de l’acte thérapeutique au rite liturgique, de la consultation divinatoire à la magie d’influence. Par contraste, la pratique incantatoire apparaît comme un objet historique fuyant. D’une part, l’oralité domine dans la pratique et dans la transmission des textes. D’autre part, les charmes conservés à l’écrit ne sont pas datés, ils sont répétitifs, et ils ne sont accompagnés d’aucune justification théorique. Pour parvenir à exploiter cet immense gisement de sources, il est nécessaire de rassembler un corpus conséquent. C’est l’objectif de Carminabasequi donne accès, librement et en ligne, à un grand nombre de charmes fournis dans leur langue originale, traduits, indexés et complétés par un ensemble de métadonnées. La base permet de conduire une étude généalogique des formules, d’observer la circulation des charmes et de les comparer. Elle entend ainsi ouvrir la voie à de nouvelles enquêtes historique sur la pratique incantatoire au Moyen Âge.
Image : « Good medicine for to staunche blod ». Charme contre les saignements, censuré. Ms. British Library, Sloane 374, fol. 32r (XVe siècle). |
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