Appel à contributions : la complexité en sciences du langage, Paris, 12-13 décembre

Appel à contributions : la complexité en sciences du langage, Paris, 12-13 décembre

Appel à contributions : la complexité en sciences du langage, Paris, 12-13 décembre

Si parler, écrire, écouter, lire sont des activités faciles, simples, naturelles pour celles et ceux qui les pratiquent au quotidien, que dire des processus cognitifs et langagiers qui les sous-tendent, des langues dans lesquelles ces activités sont pratiquées, des théories et des modèles développés pour expliquer et représenter les mécanismes en jeu ? Que dire également pour les sujets humains (locuteur, auditeur, scripteur, lecteur) qui n’ont pas encore fini l’apprentissage de l’une et ou l’autre de ces activités (enfant en phase d’acquisition du langage, adulte apprenant une langue seconde), apprentissage qui peut s’avérer particulièrement difficile, voire impossible (sourd écrivant en langue vocale) ?

Très vite la question de la complexité se pose ; la notion est d’ailleurs régulièrement convoquée dans les travaux en sciences du langage mais souvent de façon vague et intuitive. En pratique, cette question de la complexité revêt des modalités différentes en fonction de celle/ou celui qui la pose (psycholinguiste, linguiste, descriptiviste, modélisateur) et de celle/ou celui à qui elle se pose (sujet parlant, sujet percevant, sujet natif, sujet non natif, sujet apprenant, sujet atypique, etc.). Bref, complexité comment, pour qui et pourquoi ? Complexité nécessaire ou contingente ? Pour répondre à ces questions, encore faut-il savoir de quelle complexité on parle : conceptuelle (ex. : représentation du temps et de la référence dans les langues), formelle (ex. : structure phonologique, graphique, morphologique, syntaxique d’une langue) ou physiologique (geste articulatoire peu naturel à produire, contraintes matérielles) ? Une complexité en appelle-t-elle une autre (ex. la conception complexe du temps dans une langue convoque-t-elle une syntaxe complexe, la complexité formelle implique-t-elle la complexité cognitive et inversement ?)

Ces journées proposent de faire un état des lieux sur la complexité en Sciences du langage. Elles seront l’occasion de s’intéresser à l’histoire et l’usage de la notion de complexité en Sciences du langage, à travers divers éclairages théoriques et épistémologiques. Elles ont pour vocation de faire dialoguer linguistes de l’oral et linguistes de l’écrit, talistes et psycholinguistes, etc. autour de la complexité qui traverse, à des degrés variables, les différents composants de la langue et du discours (segmental, suprasegmental, morphologique, syntaxique, sémantique, pragmatique). Elles ont pour objectif de faire émerger à l’issue de cette rencontre un concept opératoire pour la communauté, aussi stratifié soit-il, les critères qui le fondent étant à l’évidence pluriels :

  • Pour le linguiste, est complexe ce qui n’est pas simple à représenter et modéliser, parce que (i) peu prédictible (ex. constructions inattendues, productions qui échappent aux règles générales), (ii) de nature continue, et donc difficilement isolable ou catégorisable (ex. niveau suprasegmental vs. niveau segmental ; référence opaque ou indéfinie). Est complexe aussi un observable que l’on peut décrire mais qui résiste à l’explication (ex. les erreurs dans les écrits sourds) ;
  • Pour le sujet humain, serait complexe ce qui n’est pas naturel et donc difficile à produire où à entendre (une langue étrangère), ce qui est sous-spécifié linguistiquement, parce qu’ambigu, ou implicite, et occasionnant un coût de traitement élevé.

 

Mais si pour le linguiste ou le sujet humain, la complexité constitue une difficulté, un obstacle dont on se passerait bien peut-être, pour les langues et leurs usages, la complexité est nécessaire, voire consubstantielle : pas de langue ni de discours sans complexité. Du point de vue synchronique, la complexité participe à la régulation du système linguistique et garantit son équilibre interne, qui reposerait sur une répartition entre éléments simples et complexes (ex. : morphologie pauvre vs. système tonal complexe en chinois). Reste à comprendre comment cet équilibre se construit dans les langues. Sous l’angle diachronique, la complexité semble jouer le même rôle, qu’il s’agisse de simplifier certains processus et de maintenir l’économie du système sur le plan formel (ex. : suppressions des oppositions phonologiques avec un rendement fonctionnel faible, processus de grammaticalisation) ou, au contraire, de réintégrer de la complexité (ex. : passage du pidgin au créole).

 

Se pose alors une question pour les sciences du langage : comment rendre compte de la complexité linguistique ? Quelle approche adopter ? Typologique et contrastive ou interne, expérimentale, ou inductive sur gros corpus ? Quelle mesure de complexité et quel étalon de mesure proposer ? Quelle échelle fixer ? Quels descripteurs ? Ainsi en syntaxe, peut-on poser l’existence d’une phrase neutre SVO pour travailler sur des phrases dites complexes ? Les concepts de transformation et de mouvement proposés par la grammaire générative sont-ils opératoires pour travailler sur la complexité syntaxique ? Si oui, comment ? Sinon, par quels descripteurs les remplacer : des descripteurs “aisément” calculables (cf. travaux sur la lisibilité ou la simplification qui y recourent systématiquement) comme la longueur des phrases ou les types de dépendances entre les éléments (ex. : nombre, longueur, direction) ? La question du médium apporte un éclairage encore différent sur la complexité, en particulier pour la composante syntaxique. La structure syntaxique du message est-elle plus complexe à l’oral ou à l’écrit ? Et de quel point de vue ? De la production ou de la réception ? Du point de vue de l’activité de langage ou de sa représentation linguistique et de sa modélisation ?

 

En sémantique et en pragmatique, comment traiter la relation sens-forme ? Comment représenter l’ambiguïté et l’implicite ? Un texte peut-il être simple, étant donné qu’il se construit autour d’unités et de constructions, elles-mêmes complexes.

Si oui, comment et par quel mécanisme d’ajustement ou de changement qualitatif ? En linguistique textuelle, la notion de complexité a pu être appréhendée de nombreuses façons ; par exemple, dans le processus d’écriture des textes, par la mesure et la quantification des pauses des scripteurs. Ou encore par les méthodes employées en linguistique appliquée pour la simplification de textes jugés trop difficiles à comprendre et devant être adaptés pour un public particulier.

Se pose enfin une question centrale en modélisation : comment gérer la complexité de l’objet que l’on souhaite représenter ? Comment décomposer un objet complexe en éléments simples sans perte d’information ? Comment comprendre quelles sont les propriétés nécessaires et suffisantes pour représenter le fonctionnement du système ? Comment aborder la question de l’articulation entre eux de multiples descripteurs à l’aide de formules mathématiques allant plus avant que les formules proposées dans le champ de la lisibilité ? Parmi les descripteurs, on pourra par exemple s’intéresser à des unités ou des relations de dépendance en syntaxe, à des contours ou à des tons dans les langues à prosodie accentuelle, à des opérations sous-jacentes à la description de la sémantique d’unités lexicales et grammaticales, à des opérations de référenciation à des espaces différents de validation de contenus prédicatifs (ex. des espaces hypothétiques), ou encore à des types de relations entre unités textuelles (ex. : enchâssement, inclusion, succession). On pourra également questionner, du point de vue de l’acquisition des compétences, la mise en corrélation des structures linguistiques et des étapes du développement cognitif de l’individu.

Calendrier et modalités de soumission :

9 septembre – envoi de la proposition de communication sous la forme d’un résumé d’une à deux pages (hors bibliographie) rédigé en français ou en anglais, avec 3 à 5 mots clés, aux adresses des organisateurs

Delphine Battistelli, Modyco, Paris Nanterre : delphine.battistelli@parisnanterre.fr

Georgeta Cislaru, Modyco, Paris Nanterre : georgeta.cislaru@parisnanterre.fr

Sascha Diwersy, Praxiling, Paul Valéry Montpellier : sascha.diwersy@univ-montp3.fr

Anne Lacheret, Modyco, Paris Nanterre : anne.lacheret@parisnanterre.fr

Dominique Legallois, Lattice, Sorbonne Nouvelle : dominique.legallois@sorbonne-nouvelle.fr

 

 

15 octobre – réponse du comité scientifique

12-13 décembre 2024 – Journées d’étude (Maison de la Recherche, 4 rue des Irlandais, Paris)

 

Comité scientifique (provisoire) :

 

Basso Pierluigi, Université Lumière Lyon 2

Blache Philippe CNRS, ILCB, Laboratoire Parole & Langage, Université Aix Marseille

Blumenthal-Dramé Alice, Freiburg Institute for Advanced Studies

Brunetti Lisa, LLF, Université Paris Cité

François Thomas, Cental, UCLouvain

Gala Núria, LPL, Aix Marseille Université.

Grandjean Didier, Swiss Center for Affective Sciences, Université de Genève

Kahane Sylvain, Modyco, CNRS-Université de Nanterre

Landragin Frédéric, Lattice, CNRS

Nadvornikova Olga, Université Charles, Prague

Olive Thierry, CeRCA, CNRS – Université de Poitiers

Prévost Sophie, Lattice, CNRS

Watine Marie-Albane, BCL, Université Côte d’Azur

Ziegler Johannes, Centre de Recherche en Psychologie et Neuroscience (CRPN) CNRS et Université Aix Marseille.

 

Bibliographie (indicative)

Barbaresi Adrien, 2011, « La complexité linguistique, méthode d’analyse ». TALN Jun 2011, Montpellier, France. pp.229-234.

Berthoz Alain, 2009, La Simplexité, Paris, Odile Jacob.

Bottineau Didier, 2015, « Les langues naturelles, objets complexes, systèmes simplexes : le cas du basque », in Begioni et Placella (dir.), Problématiques de langues romanes, Linguistique, politique des langues, didactique, culture, Hommages à Alvaro Rocchetti, Linguistica 69, Fasano, Schena Editore, pp. 55-85.

Ehret, Katharina, Berdicevskis, Aleksandrs, Bentz, Christian and Blumenthal-Dramé, Alice. “Measuring language complexity: challenges and opportunities” Linguistics Vanguard, vol. 9, no. s1, 2023, pp. 1-8. https://doi.org/10.1515/lingvan-2022-0133

Ellis, Nick C. & Diane Larsen-Freeman (eds.). 2009. Language as a complex adap-tive system. Oxford: Wiley-Blackwell

Glaudert Nathalie.2011, La complexité linguistique : essai de théorisation et d’application dans un cadre comparatiste, Université de la Réunion.

Larsen-Freeman, Diane, & Cameron, Lynne (2008). Complex systems and applied linguistics.

Oxford: Oxford University Press.

Lund Kristine, Basso Fossali Pierluigi, Mazur Audrey & Ollagnier-Beldame Magali (eds.). 2022. Language is a complex adaptive system: Explorations and evidence (Conceptual Foundations of Language Science 8). Berlin: Language Science Press.

Sampson Geoffrey, Gil David, Trudgill Peter (dir.), 2009, Language Complexity as an Evolving Variable, Oxford Linguistics.

Trudgill, Peter. (2001). « Contact and simplification: Historical baggage and directionality in linguistic change ». Language Typology, 5, 371–37.

 

 

 

Complexity in Language Sciences

While speaking, writing, listening and reading are easy, simple, natural activities for those who practice them on a daily basis, what can be said about the cognitive and linguistic processes that underlie them? What about the languages in which these activities are practiced, and the theories and models developed to explain and represent the mechanisms involved? And finally, what can be said about individuals (speakers, listeners, writers, readers) who have not yet finished the learning process of these activities (children in the language acquisition phase, adults learning a second language), especially given that certain processes that may prove particularly difficult or even impossible (e.g.: writing in deaf people)?

The question of complexity quickly arises, and the notion is regularly invoked in the language sciences, though often in a vague and intuition-driven way. In practice, this question of complexity takes on different forms depending on who is formulating it (psycholinguists, linguists, descriptive or model scientists, etc.) and who is targeted by it (speakers, listeners, natives, non-natives, learner s, atypical subjects, etc.). In short, how complex, for whom and why? Is it necessary or contingent complexity? To answer these questions, we need to know what kind of complexity we’re talking about: conceptual (e.g. representation of time and reference in languages), formal (e.g. phonological, graphic, morphological and syntactic structure of a language) or physiological (unnatural articulatory gestures, material constraints)? Does one complexity call for another (e.g. does the complex conception of time in a language call for a complex syntax, does formal complexity imply cognitive complexity and vice versa?).

The aim of this conference is to discuss the current state of the art on complexity in the language sciences. It will offer the opportunity to examine the history and use of the notion of complexity in linguistics, through a variety of theoretical and epistemological perspectives. Its ambition is to bring together oral and written linguists, NLP/computer scientists and psycholinguists, etc., to discuss the complexity that runs, to varying degrees, through the different components of language and discourse (segmental, suprasegmental, morphological, syntactic, semantic, pragmatic). The expected result is to craft a concept that will work for the community, however stratified it may be, since the criteria on which it is based are obviously many:

  • For the linguist, complexity is that which is not simple to represent and model, because (i) it is not easily predictable (e.g. unexpected constructions, productions that escape general rules), (ii) it could be of a continuous nature, and therefore difficult to isolate or categorize (e.g. the prosodic level of representation as opposed to the segmental level; opaque or indefinite reference)[1]. A complex element is also an observable that can be described but which resists explanation (e.g. errors in deaf writing).
  • For the human subject, everything that is unnatural and therefore difficult to produce or to hear (such as a foreign language) would be complex. Complexity would also refer to units which are linguistically underspecified, and thus ambiguous or implicit, entailing a high cognitive load.

While human subjects or linguists might view complexity as an obstacle to learning or a difficulty in representing language, complexity is conversely necessary to the very existence of languages and their uses. From a synchronic point of view, complexity plays a part in regulating the linguistic system, the internal balance of a language, based on a partition between complex and simple elements (e.g. poor morphology vs. complex tonal system in Chinese). What remains to be understood is how this balance is determined in languages. From a diachronic point of view, complexity seems to play the same role, whether it’s a question of simplifying certain processes and maintaining the formal economy of the system (e.g. deletion of phonological oppositions with low functional output, grammaticalization processes), or, on the contrary, reintegrating complexity (e.g. the transition from pidgin to creole).

This raises a question for the language sciences: how can we account for linguistic complexity? Which approach would be most adapted: typological and contrastive, or internal, experimental, or inductive on large corpora? How should complexity be measured, and what measurement standard should be proposed? What scale and what descriptors should be used? In syntax, for example, can we assume the existence of a neutral SVO sentence in order to work on complex sentences? Can the concepts of transformation and movement proposed by generative grammar be used to work on syntactic complexity? If so, how? If not, what descriptors should be used to replace them: “easily” quantifiable descriptors (cf. work on text readability or simplification, which systematically use them), such as sentence length or the types of dependency between elements (e.g. number, length, direction)? The question of medium sheds a different light on complexity, particularly with regards to the syntactic component. Is the syntactic structure of a message more complex in spoken or written form? And from what point of view? In production or reception? From the point of view of language activity or from the point of view of linguistic representation and modeling?

In semantics and pragmatics, how can we deal with the meaning-form relationship? How can we deal with ambiguity and implicitness? Can a text be simple, given that it contains a set of units and constructions that are themselves complex. If so, what mechanism of adjustment or qualitative change are necessary? In text linguistics, the notion of complexity has been seen in various ways; for example, through the study of the textualization process itself; through the measurement and quantification of writers’ pauses or revisions; by the methods used in applied linguistics to simplify texts, too difficult to be understood and needing to be adapted for a particular audience.

Finally, there’s a central question in modeling: how does one manage the complexity of the object they want to represent? How does one break down a complex object into simple elements without losing information? How can we understand which properties are necessary and sufficient to represent the system’s operation? How can we approach the question of how multiple descriptors relate to each other using mathematical formulas that go further than the formulas proposed in the field of readability? Among the descriptors, one could for example be interested in units or dependency relations in syntax, in contours or tones in languages with accentual prosody, in operations underlying the description of the semantics of lexical and grammatical units (e.g. deictic operation), in referencing operations to different spaces of validation of predicative contents (e.g. hypothetic spaces), or even in different types of relations between textual units (e.g. embedding, inclusion, succession). From the point of view of skill acquisition, one can also question the correlation between linguistic structures and the stages of an individual’s cognitive development.

Important dates:

September 9 – abstract submissions

October 15 – scientific committee decision

December 12-13, 2024 – Workshop

 

Submission instructions:

Abstracts, written in French or English, are due on September 9 at the latest:

– 1 cover page including the name and affiliation of the author(s) ;

– 1 page of text (excluding references);

– 3 to 5 keywords.

They should be sent to MAIL to

delphine.battistelli@parisnanterre.fr

georgeta.cislaru@parisnanterre.fr

sascha.diwersy@univ-montp3.fr

anne.lacheret@parisnanterre.fr

dominique.legallois@sorbonne-nouvelle.fr

 

Scientific Committee:

 

Basso Pierluigi, Université Lumière Lyon 2

Blache Philippe CNRS, ILCB,  Laboratoire Parole & Langage, Université Aix Marseille. Brunetti Lisa, LLF, Université Paris Cité

François Thomas, Cental, UCLouvain

Gala Núria, LPL, Aix Marseille Université.

Grandjean Didier, Swiss Center for Affective Sciences, Université de Genève

Kahane Sylvain, Modyco, CNRS-Université de Nanterre

Landragin Frédéric, Lattice, CNRS

Nadvornikova Olga, Université Charles à Prague

Olive Thierry, CeRCA, CNRS – Université de Poitiers

Prévost Sophie, Lattice, CNRS

Watine Marie-Albane, BCL, Université Côte d’Azur

Ziegler Johannes, Centre de Recherche en Psychologie et Neuroscience (CRPN) CNRS et Université Aix Marseille.