La science par les mots: exprimer la science dans l’antiquité et au moyen âge
Leuven, 29-30 avril 2024
Appel à communications
Le développement de la science et du savoir depuis le XVIIIe siècle s’est accompagné de celui de terminologies scientifiques dans différentes langues. Les taxinomies latines, telles celles de Linné, ou la nouvelle terminologie française en chimie et physique introduite par Morveau et Lavoisier, tout comme de nombreuses études montrent la puissance néologique des terminologies. Parallèlement à ces études, un intérêt pour une histoire des terminologies, bien avant la science moderne, gagne en importance. Il est démontré en particulier que la dénomination des objets, méthodes et domaines des sciences a donné lieu à une réflexion ancienne, reposant à la fois sur des définitions de concepts, des outils méthodologiques, des traditions livresques et des innovations aussi bien dans la forme que dans les sens.
Comment dire la science et par quels mots et comment rendre compte de l’émergence et de l’évolution de ces terminologies dans la diachronie ?
Divers outils sont en cours de développement pour mesurer cette émergence et l’architecture de la création de ce vocabulaire. Un Métadictionnaire médical multilingue est en cours par la bibliothèque numérique Medica. Des bases numériques comme Cormedlex, associée à un corpus de textes médicaux du moyen âge, CHRoMed, permettent d’avoir accès à de nouvelles données. Le Dictionnaire du Français Scientifique Médiéval (DFSM), en cours d’élaboration depuis 2010, fait l’inventaire de la terminologie française médiévale en usage dans les différents domaines scientifiques. L’inventaire dressé jusqu’à présent permet déjà de voir les liens qui se tissent entre les différentes langues sources qui sont à l’origine de cette terminologie, comme le latin, le grec, l’arabe, et ce vocabulaire vernaculaire, mais aussi de mettre à nu les relations de (para)synonymie, d’hyperonymie et d’hyponymie, etc., qui se dégagent dans cette terminologie naissante, souvent créée par des traducteurs qui ne sont pas forcément des spécialistes du domaine concerné.
D’autres langues vernaculaires ont également été confrontées à la confection d’une terminologie de spécialité au cours du moyen âge, que les dictionnaires de ces langues mettent également en évidence. Par ailleurs, le latin et le grec, fournissant souvent le matériau qui est à l’origine d’un grand nombre de termes spécialisés des langues vernaculaires, sont à leur tour décrits dans un nombre important de dictionnaires.
Ce colloque, qui s’articule sur deux journées, est le second d’une série de trois (Paris 2023, Leuven 2024 et Grenoble 2025), centrés sur des questions concernant la formation des termes, les domaines et les sources : qu’est-ce qu’un texte scientifique au moyen âge ? Quelles sont les possibilités offertes par le numérique, et ses limites ? Comment le savoir scientifique est-il disséminé par la langue ? Comment assurer une meilleure visibilité dans les dictionnaires des liens entre les langues différentes langues, classiques ou vernaculaires ?
En adoptant une perspective plus large, le présent colloque se focalise non seulement sur des problèmes liés aux dictionnaires, mais aussi sur
a) la dynamique de la terminologie scientifique dans l’antiquité, et
b) sur des méthodes de traitement automatique du langage aidant à identifier la terminologie scientifique dans les textes.
Lors de la première journée, le colloque veut explorer de façon plus générale le concept de « terme scientifique » dans l’antiquité face aux langues vernaculaires du moyen âge, tout comme les possibilités offertes par l’informatique pour sélectionner dans les corpus numérisés les mots qui possèdent un emploi dans un domaine scientifique à côté d’un emploi trivial. En effet, la terminologie scientifique internationale actuelle est composée en grande partie de néologismes créés à partir de formants d’origine latine ou grecque, et donc facilement identifiables. Dans l’antiquité, la terminologie spécialisée et technique n’a pris forme que graduellement, et la frontière entre vocabulaire « technique »/ de spécialité et vocabulaire « colloquial » est nettement moins claire (Schironi 2010). Ce volet du colloque veutcontribuer à une meilleure compréhension de l’usage de la terminologie dans les sources au cours des siècles, et à la façon dont celle-ci était comprise. Il examinera également dans quelle mesure des méthodes de TAL peuvent être appliquées afin d’étiqueter des termes comme étant des termes de spécialité ou non. Peut-on adopter, outre des approches d’ordre sémasiologique, aussi des approches onomasiologiques afin d’étudier la dynamique de la terminologie scientifique depuis l’antiquité jusqu’à la période médiévale ?
Le deuxième jour, le colloque se concentre sur la comparaison de techniques lexicographiques utilisées pour le DFSM avec celles de dictionnaires de langue généraux, d’autres langues vernaculaires, comme l’anglais, ou des langues classiques, et les difficultés que pose la rédaction lexicographique dans leurs cas. En outre il veut explorer davantage les possibilités d’interconnexion entre les différents dictionnaires, qui permettrait de rendre plus visibles les liens entre les langues en jeu dans certains domaines. Par ailleurs, il veut se tourner vers les problèmes liés à l’interaction entre certains domaines, notamment la médecine, la zoologie et la botanique, comme par exemple des termes du domaine de la botanique qui reviennent dans le domaine médical, et plus en particulier l’usage en pharmacopée. L’expérience des dictionnaires d’autres langues sera enrichissant à cet égard. Les questions qui se posent sont celles de la hiérarchie entre les domaines et les moyens que l’on peut mettre en œuvre pour mieux la mettre en évidence.
Conférenciers invités :
• Kathryn Allen (UC London)
• Sylvie Bazin-Tacchella et Gilles Souvay (ATILF – DMF – CNRS, Université de Nancy)
• Tim Denecker (Brepols – CTLO)
• Alek Keersmaekers (KU Leuven)
• Anastasia Maravela (University of Oslo)
• Nathalie Rousseau (Sorbonne Université)
• Francesca Schironi (University of Michigan)
Nous invitons les chercheurs à soumettre une proposition qui explore ces thématiques ou un thème adjacent, dans le contexte de l’antiquité et/ou du moyen âge, tout comme la réception de la terminologie dans les périodes ultérieures. Les langues de communication privilégiées sont le français et l’anglais, et les présentations auront une durée de 20 minutes.
Les propositions de 500 mots, accompagnées d’une bibliographie sommaire et d’un bref curriculum vitae, peuvent être envoyées jusqu’au 15 janvier 2024 à michele.goyens@kuleuven.be
Comité scientifique:
Joëlle Ducos (Sorbonne Université), Fleur Vigneron (Université Grenoble Alpes), Michèle Goyens (KU Leuven), Toon Van Hal (KU Leuven), Sylvie Bazin-Tacchella (Atilf Nancy), Geoffrey Williams (Université Grenoble Alpes), Anne Vanderheyden (Universiteit Antwerpen), Steven Vandenbroecke (U Gent).
Comité d’organisation :
Michèle Goyens (KU Leuven), Toon Van Hal (KU Leuven), Joëlle Ducos (Sorbonne Université), Fleur Vigneron (Université de Grenoble Alpes), Anne Vanderheyden (Universiteit Antwerpen), Steven Vandenbroecke (U Gent), Lucie Viénot (Sorbonne Université, KU Leuven).
Contact :
Michèle Goyens (michele.goyens@kuleuven.be)
Toon Van Hal (toon.vanhal@kuleuven.be)
Inscription :
Frais d’inscription: 40€ (2 jours); 20€ (1 jour), couvrant les pauses café et le déjeuner.
Les inscriptions seront ouvertes à partir du 1er février 2024, via le site web du colloque