Appel à communications
Colloque international co-organisé par l’Université Grenoble Alpes (ILCEA4 et Lidilem)
& l’Institut de Lettres et de Langues Modernes de l’Université Pédagogique de Cracovie
les 16-17 mai 2024 à Cracovie
Discours de persuasion
au croisement des langues et des cultures
Un discours est persuasif lorsqu’il tente de produire un changement dans l’esprit des auditeurs. En effet, le discours persuasif a pour finalité de stimuler la ferveur et le dynamisme, de provoquer l’adhésion, de mener à l’action. L’orateur aura réussi sa tâche si son public-cible adopte un nouveau comportement (Gadbois, 1983).
Le discours persuasif mobilise le public-cible en s’appuyant tant sur la composante rationnelle et explicative que sur la composante émotionnelle qui peut induire des éléments manipulateurs. La persuasion vise ainsi à faire accepter et à faire agir. Savoir ce qui fait agir et comment on peut agir ne suffit pas : il faut comprendre aussi comment se servir des moyens verbaux et non verbaux de la persuasion. Toute persuasion nécessite donc la constitution de stratégies argumentatives qui peuvent varier en fonction des types et genres de discours ainsi que des domaines de leur production. Selon Amossy (2021), l’argumentation pourrait être appréhendée comme un répertoire de « moyens verbaux qu’une instance de locution met en œuvre pour agir sur ses allocutaires en tentant de les faire adhérer à une thèse, de modifier ou de renforcer les représentations et les opinions qu’elle leur prête, ou simplement de susciter leur réflexion sur un problème donné ».
Ce colloque a ainsi pour objectif d’aborder les différentes facettes de l’iceberg de la persuasion tout en tenant compte de l’angle interlinguistique contrastif. La construction de la persuasion dépend non seulement des moyens propres à chaque système linguistique mais aussi du balisage d’ordre socio-culturel propre à différentes aires lingvo-culturelles. Si l’on l’aborde sous cet angle le phénomène de la persuasion, l’encodage et le décodage du message véhiculé sont intimement liés aux connaissances tant linguistiques que culturelles de principaux acteurs de l’acte d’énonciation ou, d’une manière plus large, de la situation de communication. La construction de la persuasion et les moyens linguistiques qu’elle engage ne sont pas tout à fait les mêmes lorsque le discours est adressé aux locuteurs d’une langue partagée par la même communauté linguistique ou quand il est construit par un locuteur qui apprend la langue, et donc qui ne partage pas le même héritage linguistique et culturel. Le concept de langue-culture (Spaëth, 2014) devient ainsi la notion centrale lorsqu’on aborde la question de la persuasion dans une perspective interlinguistique contrastive qui se réfère notamment à la construction du sens et des représentations : « Le concept de langue-culture semble d’abord clore chaque communauté linguistique sur elle-même : on ne peut se comprendre qu’entre soi, mais il s’ouvre finalement à la problématique de l’interprétation de la complexité du monde et donc à la réflexivité » (ibid.).
D’autre part, « la langue contient la société, on ne peut pas décrire la société ni les représentations qui la gouvernent hors des réalisations linguistiques » (Benveniste 2012). Ainsi, lors de ce colloque, ouvert à toutes les aires linguistiques et culturelles, nous nous interrogerons sur les stratégies discursives jouant le rôle perlocutoire et visant à persuader le public-cible afin de faire émerger les éventuelles interfaces communes entre différents types de discours dans des langues et cultures diverses.
Par ailleurs, le colloque s’intéressera également à des propositions situées à l’interface entre la linguistique contrastive et pragmatique. Il peut s’agir des problématiques corrélées aux différents domaines d’application de la linguistique contrastive, notamment, la rhétorique contrastive (Connor, 2011), l’acquisition des langues premières (L1) et langues secondes (L2) ainsi que les pratiques argumentatives en L2 à l’oral et à l’écrit. En effet, les travaux issus de la linguistique appliquée contribuent à la compréhension des mécanismes de persuasion. Les propositions portant sur l’analyse des moyens linguistiques utilisés par les apprenants dans une langue qui n’est pas leur langue première permettront de questionner la place du locuteur/scripteur et le degré de son implication, les procédures utilisées pour s’adresser au destinataire, la force des arguments utilisés et les règles de politesse. Les différences culturelles jouent un rôle important dans la construction de l’argumentation et représentent l’un des obstacles de l’acquisition des compétences pragmatiques en L2. Les ressources linguistiques, parfois limitées, impactent-elles la qualité de l’argumentation et la force de persuasion ?
Axes thématiques
Les contributions pourront s’inscrire – mais pas exclusivement et à titre indicatif – dans un ou plusieurs thèmes suivants :
- Le discours argumentatif : aspects théoriques, concepts, méthodologie, etc.
- Les rapports entre persuasion et argumentation dans les différentes conceptions. Pratiques persuasives dans différentes disciplines et dans différents discours. La définition argumentative des genres.
- Stratégies discursives de persuasion : traits communs et distinctifs dans le discours politique, publicitaire, commercial, médiatique, religieux, proverbial ; typologies des stratégies dans les discours de spécialité, leur positionnement dans la théorie des actes du langage.
- Adhésion du public dans les discours de spécialité : moyens linguistiques, extralinguistiques et multimodaux de la captation et de la manipulation.
- Particularités culturelles dans les stratégies d’argumentation et de manipulation.
- Représentations culturelles dans le façonnage et l’enchaînement des séquences argumentatives et dans l’interprétation du contenu des différents types de discours.
- Repérage et description de l’implicite culturel dans le discours.
- Discours de spécialité : leurs dénominateurs communs ; le rôle des préconstruits socio- culturels pour le choix des schémas argumentatifs.
- Structures linguistiques à visée pragmatique.
- Typologie des moyens linguistiques utilisés par l’orateur pour persuader le public-cible.
- Structuration et modalisation des textes argumentatifs. Les marqueurs argumentatifs : lexique, connecteurs, opérateurs, modalisateurs, discours rapporté, etc. L’argumentation au-delà des marqueurs.
- Les limites entre fonction rhétorique, fonction persuasive et fonction manipulatoire.
Les propositions de communication peuvent être soumises en français (250-300 mots, notice biographique avec rattachement institutionnel du participant). Elles sont à envoyer, au plus tard le 15 octobre 2023 via le formulaire d’inscription disponible en ligne:
Site du colloque: https://persuasion2024.up.krakow.pl/
Frais d’inscription : 100 euros
Comité scientifique
Vladimir Beliakov, Université de Toulouse 2
Elżbieta Biardzka, Université de Wrocław
Cristelle Cavalla, Université Sorbonne Nouvelle
Joanna Cholewa, Université de Białystok
Alicja Kacprzak, Université de Łódź
Anna Krzyżanowska, Université Marie Curie-Skłodowska de Lublin
Teresa Muryn, Université Pédagogique de Cracovie
Iva Novakova, Université Grenoble Alpes
Wojciech Prażuch, Université Pédagogique de Cracovie
Caroline Scheepers, Université Saint-Louis-Bruxelles
Julie Sorba, Université Grenoble Alpes
Comité d’organisation
Tatiana Aleksandrova, Université Grenoble Alpes
Halina Chmiel-Bożek, Université Pédagogique de Cracovie
Alicja Hajok, Université Pédagogique de Cracovie
Valéry Kossov, Université Grenoble Alpes
Lidia Miladi, Université Grenoble Alpes
Małgorzata Niziołek, Université Pédagogique de Cracovie
Références bibliographiques :
Adam, J.-M., Bonhomme, M., (2012) : L’argumentation publicitaire. Rhétorique de l’éloge et de la
persuasion, A. Colin, Paris.
Amossy, R., (2021) : L’argumentation dans le discours, Nathan, Paris.
Benveniste, E., (2012) : Dernières leçons. Collège de France 1968 et 1969, Le Seuil, Paris.
Breton, Ph., (2000) : La parole manipulée, La Découverte, Paris.
Breton, Ph., (1996) : L’Argumentation dans la communication, La Découverte, Paris.
Breton, Ph., Gauthier, G., (2000) : Histoire des théories de l’argumentation, La Découverte, Paris.
Charaudeau, P., (2019) : Grammaire du sens et de l’expression; Lambert-Lucas, Paris (rééd.).
Charaudeau, P., (2009) : « Le discours de manipulation entre persuasion et influence sociale » in Acte du colloque de Lyon. URL: http://www.patrick-charaudeau.com/Le-discours-de-manipulation-entre.html
Charaudeau, P., (2001) : « Langue, discours et identité culturelle » in Revue de didactologie des langues- cultures, 2001/3-4, n°123, pp. 341-348.
Connor, U., (2011) : Intercultural rhetoric in the writing classroom; Ann Arbor, University of Michigan Press.
Gadbois, V., (1983) : « Un objet d’étude en classe moralement nécessaire. Le discours de persuasion » in Revue Québec français, n°49. https://www.erudit.org/fr/revues/qf/1983-n49-qf1210776/55437ac/
Perelman, Ch., (1988) : L’empire rhétorique, Librairie philosophique J. Vrin, Paris.Plantin, Ch., (2011) : Les bonnes raisons des émotions. Principes et méthode pour l’étude du discours émotionné, Peter Lang.
Plantin, Ch., (1996) : L’Argumentation, Le Seuil, Paris.
Soulez, G., (2004) : Rhétorique, public et manipulation, Hermès, Paris.
Spaëth, V., (2014) : « Le concept de ‘langue-culture’ et ses enjeux contemporains dans l’enseignement/apprentissage des langues », https://hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/hal-01423725/document
Van Eemeren, F., Houtlosser, P., (2008) : « Rhetoric in a Dialectical Framework: Fallacies as
Derailments of Strategic Manoeuvring » in Dialogue and Rhetoric, edited by Edda Weigand. John Benjamins, pp. 133-152.