Appel à contribution – Transcrire l’oralité politique dans l’Italie communale (XIIe-début du XVe siècle)

Appel à contribution – Transcrire l’oralité politique dans l’Italie communale (XIIe-début du XVe siècle)

Appel à contribution – Transcrire l’oralité politique dans l’Italie communale (XIIe-début du XVe siècle)

La prise de parole en assemblée caractérise la vie politique et institutionnelle de l’Italie communale. Pour autant, notamment en raison du manque de discours conservés, les travaux consacrés à la transcription de l’oralité politique et à la diversité de ses expressions (au-delà de l’assemblée) sont encore rares. Cette journée d’étude, qui se tiendra à Rome le 28 avril 2022, est envisagée comme un atelier d’échange permettant la mise en commun de travaux réalisés ou en cours sur cette thématique. Elle a pour but d’engager des chercheurs et chercheuses aux approches méthodologiques distinctes dans une lecture collective de la spécificité des sources écrites transmettant une oralité politisée. L’objectif est de dégager des grilles d’analyse conjointes, des problématisations transversales et de nourrir une réflexion commune sur les apports et les limites d’une histoire du monde communal fondée sur ces documents.

Argumentaire

Depuis les années 1990, la concomitance de composantes culturelles écrites et orales au sein de la société médiévale a été au cœur de nombreuses réflexions historiques et philologiques (H. Keller, P. Zumthor), pour partie influencées par une lecture anthropologique (J. Goody). La coexistence d’une transmission orale de l’information et d’une communication (ou d’un enregistrement) par l’écrit est pensée comme structurante de la vie sociale, politique et culturelle de l’Occident médiéval. Dans le cadre italien, l’interaction de ces deux types de langage a été particulièrement bien étudiée à travers, d’une part, une approche littéraire et linguistique d’un corpus regroupant des œuvres de composition, narratives comme poétiques (M. Oldoni, A. Fassò) et, d’autre part, une étude contextualisée des sources de la prédication (I. Lazzarini, R. M. Dessì). À l’inverse, la bivalence orale et écrite d’une parole d’administration ou d’une parole d’opinion a été peu prise en considération. Lorenzo Tanzini en a proposé une première approche, transpériode et centrée sur les échanges marchands, à travers le cas sarde (Oralità, scrittura, potere, Viella, Roma, 2020).

La rareté de cette thématique au sein de l’abondante historiographie consacrée à l’Italie communale apparaît, au premier abord, particulièrement surprenante. L’étude de cet espace institutionnel a, en effet, pleinement bénéficié du linguistic turn, par lequel une place toute particulière a été accordée à l’analyse des modalités de langage (idéelles, lexicales ou encore normatives) utilisées par les productions documentaires des communes (A. Petrucci, P. Cammarosano). Parallèlement, les historiens ont pointé la place centrale accordée à l’orateur politique au sein d’une idéologie communale faisant de la délibération en assemblée la clé de son identité institutionnelle (L. Tanzini). Pourtant, malgré l’intérêt porté tant à la “révolution documentaire” des communes italiennes (J.-C. Maire Vigueur) qu’à la valorisation – parfois considérée “anthropologique” (E. Artifoni) – de l’éloquence qui s’y déploie, peu d’études traitent des spécificités à la fois techniques, idéologiques, légales ou linguistiques de la transcription de la parole politique dans ce contexte institutionnel (D. Lett). Comment et pourquoi l’écrit rend-il l’oral ? Comment l’écrit peut-il signifier l’oral ? Les marqueurs d’oralité dépendent-ils de la destination des textes ?

Par les modalités de la transcription des paroles politiques, ce projet entend interroger les catégories et les modes d’analyse à disposition de l’historien pour étudier tant les propos rapportés que les

motivations de l’enregistrement, tout comme les biais d’une lecture moderne. Il invite à examiner les pratiques langagières de l’écrit et de l’oral dans leurs dimensions anthropologique, interactionniste et cognitive, en contextualisant les expressions décrites. Il s’agit donc de proposer, à partir d’un champ encore peu investi par l’historiographie, une approche méthodologique pertinente pour éclairer à la fois l’histoire culturelle, l’histoire sociale et l’histoire politique des communes italiennes. Dans ce but, le projet entend réunir des chercheurs et des chercheuses relevant de disciplines complémentaires (histoire, philologie, sciences du langage) autour d’études thématiques. Cet échange permettra de faire interagir les valeurs symboliques et pragmatiques attribuées à la transcription de l’oralité politique, ses usages, de même que la matérialité des documents qui en résultent.

Axes thématiques

Par « oralité politique », on entend les paroles participant de la gestion institutionnelle des communes (édilité, relations diplomatiques, contrôle judiciaire, etc.) ou transmettant une opinion ou une information sur cette dernière. L’étude se concentre sur les transpositions dans l’écrit d’une oralité performée, telle qu’elle peut être lue dans les sources de la pratique et dans les récits historiques. Les normes encadrant cette prise de parole (statuts communaux et didactique de la rhétorique) sont exclues. Les domaines et perspectives suivants structureront la réflexion :

  • –  les techniques de la transcription (abordées à travers la diglossie, la sémiologie de l’écrit, la place du scripteur et la valeur probatoire accordée à l’enregistrement);
  • –  la différenciation médiévale de ces techniques – et, à travers elles, la différenciation des pratiques langagières – en fonction des catégories auxquelles sont associés les acteurs de la performance oratoire (homme/femme, parole individuelle/parole de groupe, voix de la Commune/voix du contado). Modalités de soumission Les propositions de communication, sous forme d’un résumé de 250 à 300 mots accompagné d’un bref CV, doivent être envoyées par courriel avant le 17 décembre 2021 à ces deux adresses : chloe.tardivel@univ-cotedazur.fr et carolemabboux@yahoo.fr La journée d’étude se tiendra se tiendra à l’École française de Rome le jeudi 28 avril 2022. Les langues de la journée d’étude seront le français et l’italien. La durée prévue des communications est de 20 minutes. Celles-ci donneront lieu à une publication, sous forme de dossier thématique proposé à une revue spécialisée. Comité de sélection
  • –  Chloé Tardivel (Université Côte d’Azur)
  • –  Carole Mabboux (CIHAM) Cette journée d’étude est organisée par l’École française de Rome, avec le soutien des laboratoires ICT (EA 337) et CIHAM (UMR 5648).