Mesdames, Messieurs
Nous avons le plaisir de vous transmettre un appel à communication pour le colloque international intitulé “Usages du passé et imaginaire politique dans la littérature bourguignonne”.
Cette manifestation scientifique s’inscrit dans le prolongement des rencontres internationales consacrées à la littérature bourguignonne qui se sont tenues depuis 2005 à l’Université Littoral Côte d’Opale. Au cours du colloque qui se tiendra à Boulogne-sur-Mer du 19 au 21 octobre 2022, il s’agira d’explorer l’imaginaire politique bourguignon et de réfléchir sur les modalités et les finalités de l’appropriation du passé dans la littérature écrite à la cour de Bourgogne entre la fin du XIVe et le début du XVIe siècle. Le corpus sur lequel porteront les analyses pourra s’étendre aux histoires universelles et chroniques régionales retraçant l’histoire des diverses principautés bourguignonnes, aux œuvres épiques, romanesques et théâtrales ainsi qu’aux textes relevant de l’histoire immédiate.
Les propositions de communication accompagnées d’un argumentaire d’une dizaine de lignes et d’un bref curriculum vitae sont à envoyer aux trois organisateurs avant le 15 octobre 2021 :
Jean.Devaux@univ-littoral.fr
elena.koroleva@univ-littoral.fr
ulcogracebaillet@gmail.com
Grace Baillet au nom du comité organisateur (Jean Devaux, Elena Koroleva et moi)
Université du Littoral Côte d’Opale – Boulogne-sur-Mer
Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel
Colloque international
“Usages du passé et imaginaire politique dans la littérature bourguignonne”
Boulogne-sur-Mer, Centre universitaire du Musée, 19-21 octobre 2022
Université Littoral Côte d’Opale, UR 4030 HLLI
Organisateurs : Jean Devaux, Elena Koroleva, Grace Baillet
Cette manifestation scientifique s’inscrit dans le prolongement des rencontres internationales consacrées à la littérature bourguignonne qui se sont tenues depuis 2005 à l’Université Littoral Côte d’Opale. Au cours du colloque qui se tiendra à Boulogne-sur-Mer du 19 au 21 octobre 2022, il s’agira d’explorer l’imaginaire politique bourguignon et de réfléchir sur les modalités et les finalités de l’appropriation du passé dans la littérature écrite à la cour de Bourgogne entre la fin du XIVe et le début du XVIe siècle. Le corpus sur lequel porteront les analyses pourra s’étendre aux histoires universelles et chroniques régionales retraçant l’histoire des diverses principautés bourguignonnes, aux œuvres épiques, romanesques et théâtrales ainsi qu’aux textes relevant de l’histoire immédiate.
Axes de recherche
1. Exploiter les grandes figures du passé
Dans L’Automne du Moyen Âge (1919), Johan Huizinga soulignait déjà le rôle qu’avait revêtu « le culte du héros » au sein de la noblesse des derniers siècles du Moyen Âge : « La vie chevaleresque est une imitation ; imitation des héros du cycle d’Arthur ou des héros antiques, peu importe1 ». Les vertus du prince étant considérées comme le fondement même du bon gouvernement, la littérature écrite à la cour de Bourgogne pourra être envisagée sous l’angle de sa dimension exemplaire et de sa portée didactique. On se penchera dans cette perspective sur les œuvres bourguignonnes consacrées aux grandes figures du passé, dont Alexandre, Girart de Roussillon, ou encore Charlemagne2, qui offraient aux ducs et aux seigneurs de leur entourage des modèles de comportements chevaleresques et princiers.
Au-delà de l’exemplarité personnelle, les personnages de l’Antiquité gréco-romaine ainsi que ceux de l’histoire nationale ou locale apparaissent aussi et avant tout comme des héros fondateurs. L’on songe par exemple à l’instauration des tournois et de la chevalerie par Alexandre dans le Perceforest ou à la fondation des pays de l’Occident par des rescapés troyens, thème de nombreuses chroniques et compilations d’histoire ancienne écrites pour les ducs et leurs héritiers, comme la Fleur des histoires de Jean Mansel et les Illustrations de Gaule et singularitez de Troyes de Jean Lemaire de Belges. C’est cette dimension politique conférée aux grandes figures du passé qu’il s’agira de déceler dans le cadre du colloque. Seront particulièrement bienvenues les contributions portant sur les récits de fondation incorporés aux chroniques régionales, comme la traduction de la Chronographia de Jean de Beka, relatant l’histoire des comtés de Hollande et de Zélande, ou les Chroniques de Hainaut de Jean Wauquelin.
2. (Ré)inventer le passé
Selon Paul Ricœur qui a analysé les manipulations de la mémoire pratiquées par les détenteurs du pouvoir dans le chapitre 2 de son essai La mémoire, l’histoire, l’oubli, celles-ci se réalisent avant tout dans le récit, « l’idéologisation de la mémoire [étant] rendue possible par les ressources de variation qu’offre le travail de configuration narrative3 ». Il conviendra d’examiner les choix narratifs des auteurs de la cour de Bourgogne qui réimaginent le passé en fonction des besoins du moment présent. On s’intéressera au processus de transformation du texte au terme de l’opération de réécriture, de traduction et/ou de compilation effectuée par les écrivains, en identifiant les nouveaux éléments introduits par rapport aux sources et en se demandant dans quelle mesure les œuvres littéraires ainsi produites se conforment à l’idéologie ducale et contribuent à l’élaboration du mythe politique bourguignon. À titre d’exemple, citons la création, dans les années 1440-1470, de tout un corpus de textes exploitant le voyage des Argonautes en quête de la Toison d’or, un thème dont le succès est directement lié aux activités de l’ordre de la Toison d’or, fondé par Philippe le Bon en 1430. D’autres textes offrant une image du monde grec pourraient être examinés, comme la version « littérale » de l’Histoire d’Apollonius de Tyr, qui, tout en restant proche du texte latin, aborde des thématiques politiques pouvant susciter l’intérêt des lecteurs du milieu culturel de la cour de Bourgogne.
On étudiera également le discours que les écrivains tiennent sur leur propre travail de réappropriation du passé dans les parties liminaires, en particulier dans les prologues, mais aussi dans des commentaires dispersés au sein de leur récit. Il sera par exemple opportun d’aborder en ce sens le corpus des prologues rédigés par David Aubert pour les ouvrages qu’il transcrivit pour le duc Philippe le Bon.
3. Représenter le passé
Dans le cadre de cet axe, il s’agira de s’interroger sur le rôle des représentations du passé dans la mise en scène du pouvoir. Soucieux d’affirmer leur puissance politique, les ducs de Bourgogne cherchaient à l’exhiber avec ostentation. Diverses célébrations offraient un environnement propice pour déployer les fastes : « joyeuses entrées » dans les différentes villes de leurs territoires ; banquets et réceptions solennelles ; chapitres de l’ordre de la Toison d’or ; festivités en rapport avec les grands événements familiaux, à l’instar du mariage de Philippe le Bon et d’Isabelle de Portugal (1430), faits politiques importants, comme le congrès d’Arras (1435). Les figures et événements glorieux de l’histoire ancienne sont souvent convoqués dans l’historiographie d’actualité afin de marquer ces occasions et d’établir des parallèles entre les héros du passé et les représentants de la dynastie ducale. Si plusieurs études, notamment celles de Marie-Thérèse Caron, ont déjà été consacrées au célèbre Banquet du Faisan de 1454, ce colloque offrira l’occasion d’examiner sur de nouveaux frais les entremets de Jason mis en scène lors du banquet, afin de mieux cerner leur place dans le paysage culturel de l’époque et leur influence sur la production littéraire de la seconde moitié du xve siècle. L’on pourra aussi mener des études sur le corpus théâtral bourguignon, d’abord sur les pièces de théâtre dont le sujet est puisé à la « mythistoire4 », comme les Epitaphes d’Hector et d’Achille de George Chastelain, montées lors des fêtes de Nevers en 1454, mais aussi sur les dialogues et les débats impliquant des personnages illustres du passé et destinés à être joués ou au moins déclamés, même si l’on ignore aujourd’hui les circonstances exactes de leur production scénique5.
Enfin, les contributions pourront explorer la relation texte-image dans les manuscrits enluminés de la bibliothèque ducale et des collections des seigneurs appartenant à l’entourage des ducs, afin d’examiner comment les représentations du passé participent de la construction de l’imaginaire politique bourguignon.
Comité scientifique international
Catherine Gaullier-Bougassas, Professeur à l’Université de Lille
Jean-Claude Mühlethaler, Professeur à l’Université de Lausanne
Anne Schoysman, Professeur à l’Université de Sienne
Graeme Small, Professeur à l’Université de Durham
Les propositions de communication accompagnées d’un argumentaire d’une dizaine de lignes et d’un bref curriculum vitae sont à envoyer aux organisateurs avant le 15 octobre 2021 :
Jean.Devaux@univ-littoral.fr, ekoroleva@gmail.com, ulcogracebaillet@gmail.com
1 J. Huizinga, L’Automne du Moyen Âge, trad. fr. J. Bastin, Paris, Payot, 1975, p. 72.
2 Les faicts et conquestes d’Alexandre le Grand et le Girart de Roussillon de Jean Wauquelin, Les croniques et conqueste de Charlemaine de David Aubert.
3 P. Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 103.
4 Pour ce terme, voir J. Mali, Mythistory : The Making of a Modern Historiography, Chicago, University of Chicago Press, 2003.
5 Cl. Thiry, « Débats et moralités dans la littérature française du XVe siècle : intersection et interaction du narratif et du dramatique », Le moyen français, t. 19, 1986, p. 203-244.