Colloque international
1971-2021 50 ans de corpus montréalais
Du 16 au 18 septembre 2021
Le corpus Montréal 1971, qui fête en 2021 son 50e anniversaire, a marqué la sociolinguistique moderne et lancé la recherche sociolinguistique québécoise et canadienne. Ce colloque souhaite souligner l’anniversaire de ce corpus et rendre hommage aux sociolinguistes québécoises et québécois de la première heure. Il réunit des chercheuses et chercheurs interpellés par la diversité du français – en premier lieu à Montréal, mais aussi dans les autres grandes villes de la francophonie – et par le recours à des corpus de langue orale.
Organisation
- Hélène Blondeau (Université de Floride)
- Marty Laforest (Université du Québec à Trois-Rivières)
- Wim Remysen (Université de Sherbrooke)
Nous joindre
Dates importantes
- 1er décembre 2020 : Soumission des propositions
- 15 janvier 2021 : Notification aux auteures et auteurs
- 15 février 2021 : Confirmation de participation
- 16-18 septembre 2021 : Tenue du colloque
Invitées et invités d’honneur
- Henrietta Cedergren
- Gillian Sankoff
- David Sankoff
- Pierrette Thibault
- Diane Vincent
Appel à communications
Format des propositions
Nous invitons toutes les personnes intéressées à intervenir au colloque à soumettre une proposition de communication par courrier électronique à colloque-corpus@usherbrooke.ca au plus tard le 1er décembre 2020.
Les résumés ne doivent pas dépasser 500 mots (sans compter les références bibliographiques). Tous les résumés doivent être remis en deux versions, une version anonymisée et une version précisant le nom et l’affiliation de l’auteur.
La durée des présentations est de 20 minutes et elles seront suivies d’une période de discussion de 10 minutes. Même si nous espérons vous accueillir en personne à Montréal, le contexte actuel nous invite à la prudence. Nous prévoyons donc la possibilité de faire une présentation à distance.
Problématique
Présentation
L’année 2021 marquera le 50e anniversaire du corpus Montréal 1971, conçu et réalisé à l’Université de Montréal par une équipe de chercheurs dirigée par Gillian Sankoff (UdeM), David Sankoff (UdeM) et Henrietta Cedergren (UQAM). S’il ne s’agit pas du premier corpus montréalais de langue française – André Dugas a en effet réalisé, au début des années 1960, une série d’entrevues dans la métropole –, le corpus Sankoff-Cedergren a marqué la sociolinguistique moderne (Labov 2006) et lancé la recherche sociolinguistique québécoise et canadienne. À cet égard, il mérite notre attention à plus d’un titre. Rappelons d’abord les objectifs qui ont orienté l’initiative, entreprise à une époque où la stigmatisation du français québécois était encore monnaie courante :
Notre but précis était d’obtenir des données sur la nature, l’étendue et la fonction de la diversité linguistique à l’intérieur du français parlé par les Montréalais, afin d’éclaircir la situation d’une population souffrant d’une forte aliénation linguistique. […] Nous voulions contribuer à une meilleure compréhension du français parlé au Québec en considérant ses aspects propres […] en tant qu’éléments d’un système cohérent partagé par tous les membres de la communauté. (Sankoff et al. 1976 : 88-89)
En plus de constituer un échantillon représentatif des « individus de 15 ans et plus qui étaient à la fois francophones et Montréalais d’origine » (Sankoff et al. 1976 : 91, v. aussi Sankoff 2018), réalisé sur la base d’une sélection rigoureuse des informatrices et informateurs, le corpus Sankoff-Cedergren s’insère alors de plain-pied dans l’approche variationniste qui connaît à l’époque un développement important, surtout dans le monde anglo-saxon. Si elles reprennent les principes et axiomes de base de cette nouvelle discipline, Gillian Sankoff, Henrietta Cedergren et leur équipe introduisent en même temps de nouvelles méthodes et questions de recherche qui ont inspiré d’autres études sur la variation du français en usage au Québec – et ailleurs dans la francophonie – et qui ont donné lieu à des débats en sociolinguistique générale (Thibault 2001). Ainsi, l’apport du mathématicien David Sankoff à l’équipe a permis de renouveler l’approche variationniste par l’introduction de nouvelles méthodes d’analyse quantitative, basées sur le recours à des modèles de régression, ou encore en faisant appel à l’utilisation de l’informatique (Cedergren et Sankoff 1974, Rousseau et Sankoff 1978). Sur le plan théorique, on doit aussi à l’équipe l’introduction d’une nouvelle variable sociale basée sur le rapport à la langue standard, appelée « participation au marché linguistique » (Sankoff et Laberge 1978), de même que l’élargissement du domaine d’application des règles variables à des phénomènes relevant de la morphologie, de la morphosyntaxe et de la sémantique (Sankoff et Thibault 1977, Sankoff et al. 1978).
Mais c’est peut-être le caractère itératif de l’entreprise qui frappe le plus l’imagination et confirme la pertinence des méthodes variationnistes pour l’étude du changement linguistique (Blondeau 2020). En 1984, Pierrette Thibault et Diane Vincent (qui avaient fait leur thèse sous la direction de Gillian Sankoff avec les données de 1971) entreprennent une nouvelle collecte de données auprès de la moitié des participants du corpus de 1971, soit 60 personnes, et y ajoutent 12 jeunes locuteurs, ouvrant ainsi la possibilité de faire des études comparatives sur le changement linguistique dans la communauté, dans une perspective longitudinale (Thibault et Vincent 1990). Et une autre dizaine d’années plus tard, en 1995, une nouvelle équipe, composée cette fois-ci de Diane Vincent, Marty Laforest et Guylaine Martel, réalise l’exploit de retracer 14 participants des premières enquêtes (Vincent et al. 1995), donnant encore plus de profondeur à l’analyse diachronique. Dans ces trois corpus, la collecte de données s’appuie sur des entretiens de même type afin de préserver la comparabilité. Par ailleurs, réalisées dans des contextes différents, ces nouvelles collectes de données ont permis d’élargir les recherches initialement entreprises sur le français de Montréal par la prise en compte de dimensions moins explorées jusque-là, dont l’analyse conversationnelle et la variation discursive, ainsi que par l’introduction de méthodes innovatrices, comme l’auto-enregistrement des participants lors d’activités quotidiennes. L’intérêt croissant à l’heure actuelle pour la constitution de corpus dits « écologiques » montre l’originalité de cette méthode déjà proposée par les sociolinguistes québécoises et québécois dans les années 1990.
Le colloque 1971-2021 : 50 ans de corpus montréalais souhaite souligner l’anniversaire du corpus Montréal 1971, rendre hommage aux sociolinguistes québécoises et québécois de la première heure (ainsi qu’aux informateurs et informatrices qui ont participé à leurs collectes de données et ainsi rendu possible la recherche sur le français montréalais) et réunir des chercheuses et chercheurs interpellés par la diversité du français, en premier lieu à Montréal, mais aussi ailleurs dans la francophonie, en particulier dans d’autres grandes villes, et par le recours à des corpus de langue orale. Nous sollicitons plus particulièrement des propositions de communication qui se rattachent à l’un ou à l’autre des trois axes thématiques qui suivent. Ces axes adoptent une perspective à la fois rétrospective (quel a été l’apport de la sociolinguistique montréalaise et québécoise ? comment valoriser les corpus constitués au cours des dernières décennies ?) et prospective (quelles sont les avenues de recherche pour approfondir notre compréhension du français montréalais ? quels sont les défis théoriques et méthodologiques qui attendent la sociolinguistique de corpus à l’ère des humanités numériques ?).
- Axe 1 : La recherche sur le français de Montréal et des grands centres urbains de la francophonie. – La réalisation du corpus Sankoff-Cedergren a grandement contribué à une meilleure compréhension des multiples variations que l’on peut observer dans le français parlé à Montréal et des changements qui ont marqué cette variété au cours du dernier demi-siècle. Depuis les premiers travaux menés à ce sujet, l’intérêt pour le français montréalais ne s’est pas démenti : les trois corpus montréalais ont donné lieu à plus de 150 études entre 1971 et 2015 et les recherches se poursuivent. Le premier axe thématique du colloque veut mettre en évidence les recherches réalisées sur la variété de français parlée à Montréal et celles que l’on trouve dans d’autres grands centres urbains, ou encore interroger leurs spécificités à la lumière des variétés pratiquées en dehors des villes. Cette thématique inclut aussi les questions de plurilinguisme – phénomène incontournable dans le contexte montréalais –, l’adoption du français par les néo-Montréalais ou encore la perception et les représentations auxquelles donnent lieu le français et ses différentes variétés (ou encore l’anglais ou d’autres langues parlées par les Montréalais et Montréalaises).
- Axe 2 : Le développement de corpus sociolinguistiques à l’ère des humanités numériques. – Les questions théoriques et méthodologiques soulevées au moment de la constitution du premier corpus montréalais demeurent en grande partie d’actualité pour la sociolinguistique contemporaine. Mais aux questions posées dès le lancement de ce premier grand chantier concernant la représentativité et l’authenticité des corpus, indispensables pour l’étude de la variation linguistique et des caractéristiques de l’oral spontané, s’ajoutent désormais, à l’ère des humanités numériques, une série de nouvelles préoccupations. Celles-ci concernent, entre autres, mais pas exclusivement, le recours à des méthodes de traitement automatique des données, la conservation et la pérennisation des corpus patrimoniaux et les enjeux (éthiques par exemple) qui en découlent, ou encore la gestion des données de masse (« big data ») et leur exploitation à des fins sociolinguistiques. S’y ajoutent aussi les questions relatives à la comparaison des données provenant de différents corpus. Le deuxième axe propose de réfléchir à ces enjeux de constitution, d’outillage et d’analyse des corpus sociolinguistiques à partir d’exemples de collectes de données réalisées dans des contextes variés.
- Axe 3 : L’étude des récits de vie. – Les sociolinguistes ont recours à l’entrevue pour solliciter des discours oraux susceptibles de nous renseigner sur les pratiques linguistiques des locutrices et locuteurs. Leur première préoccupation est de lancer des sujets de conversation jugés d’intérêt pour « provoquer chez les répondants des commentaires spontanés et prolongés » (Sankoff et al. 1976 : 113), mais souvent sans s’intéresser de plus près au contenu des thématiques abordées. Or les corpus sociolinguistiques contiennent souvent, en plus des observations sur la vie de quartier ou la situation politique et linguistique montréalaise, des histoires de vie, c’est-à-dire des récits autobiographiques qui mettent de l’avant l’individu, sa trajectoire, ses opinions et ses goûts. La nature longitudinale des corpus montréalais a d’ailleurs ouvert la voie au suivi de la trajectoire des locuteurs au cours de leur vie à travers leur discours et leurs pratiques langagières. De manière générale, les corpus sociolinguistiques peuvent ainsi devenir des lieux de mémoire de la ville, de la vie dans ses quartiers ou de son identité perçue. Ce type de narrations intéressent de plus en plus les chercheurs en sciences humaines – sociologues, historiens, littéraires et autres (Goodson et al. 2016) – et le troisième axe de ce colloque cherche à réunir, dans une perspective pluridisciplinaire, des chercheuses et chercheurs autour du récit de vie tel qu’on peut l’observer dans certaines entrevues sociolinguistiques.
Références
Blondeau, Hélène (2020), « Du cheminement sociolinguistique des individus : l’apport des études longitudinales à l’étude de la variation et du changement en français parlé », dans Wim Remysen et Sandrine Tailleur (dir.), L’individu et sa langue : hommages à France Martineau, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 13-46.
Cedergren, Henrietta et David Sankoff (1974), « Variable rules : performance as a statistical reflexion of competence », Language, vol. 50, no 2, p. 333-355.
Goodson, Ivor, Ari Antikainen, Pat Sikes et Molly Andrews (dir.) (2016), The Routledge international handbook on narrative and life history, Londres, Routledge.
Labov, William (20062) [19661], The social stratification of English in New York City, Cambridge, Cambridge University Press.
Rousseau, Pascale et David Sankoff (1978), « Advances in variable rule methodology », dans David Sankoff (dir.), Linguistic variation : models and methods, New York, Academic Press, p. 57-69.
Sankoff, David et Suzanne Laberge (1978), « The linguistic market and the statistical explanation of variabilty », dans David Sankoff (dir.), Linguistic variation : models and methods, New York, Academic Press, p. 239-250.
Sankoff, David, Gillian Sankoff, Suzanne Laberge et Marjorie Topham (1976), « Méthodes d’échantillonnage et utilisation de l’ordinateur dans l’étude de la variation grammaticale », Cahiers de linguistique, no 6, p. 85-125.
Sankoff, David, Pierrette Thibault et Hélène Bérubé (1978), « Semantic field variability », dans David Sankoff (dir.), Linguistic variation : models and methods, New York, Academic Press, p. 23-43.
Sankoff, Gillian (2018), « Before there were corpora : the evolution of the Montreal project as a longitudinal study », dans Susanne Evans Wagner et Isabelle Buchstaller (dir.), Panel studies of variation and change, New York/Londres, Routledge, p. 21-52.
Sankoff, Gillian et Pierre Thibault (1977), « L’alternance entre les auxiliaires avoir et être en français parlé à Montréal », Langue française, no 34, p. 81-108.
Thibault, Pierrette (2001), « Regard rétrospectif sur la sociolinguistique québécoise et canadienne », Revue québécoise de linguistique, vol. 30, no 1, p. 19-42.
Thibault, Pierrette et Diane Vincent (1990), Un corpus de français parlé : Montréal 84. Historique, méthodes et perspectives de recherche, Québec, Département de langues et linguistique.
Vincent, Diane, Marty Laforest et Guylaine Martel (1995), « Le corpus de Montréal 1995 : adaptation de la méthode d’enquête sociolinguistique pour l’analyse conversationnelle », Dialangue, no 6, p. 29-45.