COLLOQUE DE LINGUISTIQUE FRANÇAISE
Università Statale di Milano
Pôle de la Médiation Linguistique
LES NOUVEAUX LANGAGES AU TOURNANT DU XXIe SIÈCLE
Durant les deux dernières décennies les productions langagières se sont redéfinies, renouvelées et même réinventées sous la pression des innovations et des transformations technologiques, sociales et politiques. Ces nouvelles productions langagières contribuent aussi à accélérer les mutations qui les ont engendrées même si leur finalité et leur signification demeurent peu compréhensibles, voire obscures. En somme, toutes les transformations du monde favorisent l’apparition de formes langagières nouvelles qui accroissent et intensifient l’avènement de ces transformations.
Ces productions langagières envahissent toutes les activités humaines ou presque. Elles alimentent, par exemple, l’exposition volontaire de la vie privée (facebook, blog personnel, forum…), la communication immédiate et accessibles à tous (twitter, texto…), la vie politique (sites idéologiques, réseaux sociaux…), la création et la diffusion de fausses nouvelles dans bien des domaines (révélations, stigmatisations, discriminations…), autorisent l’anonymat et la persécution psychologique. On pourrait sans difficulté allonger cette liste.
De par leurs formes, leurs fonctions et leurs visées, ces nouvelles productions langagières révèlent une nouvelle place du sujet dans un nouvel état du monde, que l’on résume trop facilement par le terme de mondialisation.
On peut identifier deux discours dominants et opposés qui sont en relation avec de très nombreux aspects de cette mondialisation. On les connaît sous les noms de décliniste et de progressiste.
Pour la première, on pourrait égrener un très long chapelet de syntagmes catastrophistes, qui résonneraient dans de nombreux langages comme autant de chapitres du malheur contemporain français : effets continus de la crise financière de 2008, chômage de masse et de longue durée, délocalisation des entreprises, fin du salariat, accroissement des inégalités, destruction des ressources de la planète, dégradation de la culture et disparition des traditions, inefficacité de l’école, insécurité grandissante, immigration incontrôlée, terrorisme, démocratie paralysée, populisme, perte de souveraineté nationale, Union européenne technocratique et antidémocratique… bien évidemment la liste n’est pas close.
L’option progressiste propose une tout autre table des matières : révolution numérique, développement technologique, démocratie horizontale et participative, disponibilité de l’information, diffusion de la connaissance, innovation sociale, nouvelles professions, autonomie des individus, reconnaissance accrue des droits individuels, circulation des personnes, mélange des populations et multiculturalisme enrichissant, fin des frontières, conscience écologique planétaire, rapports femme-homme renouvelés en raison de la libération de la parole des femmes victimes d’abus de tous ordres.
Bien évidemment, on ne saurait se satisfaire de cette dichotomie, ni d’une explication psychologisante qui opposerait des langages optimistes et des langages pessimistes. Il importe beaucoup plus de saisir comment le débat public et les rapports humains, qui sont d’abord des rapports de langage, se sont métamorphosés en quelques années : dévalorisation des discours experts et scientifiques, survalorisation de l’expression des vraies gens et de la soi-disant parole authentique, profusion des témoignages et des prises de parole individuelle, dramatisation de l’information en continu et en direct, abondance des gestes symboliques et des discours compassionnels, réduction du débat politique à des slogans et à des polémiques, dévalorisation des argumentations rationnelles et complexes.
Il s’agit donc dans ce colloque d’analyser les formes langagières, de penser leur finalité, leur rapport aux sujets (acteur et destinataire), leurs fonctions symbolique, politique et sociale, et de voir comment elles prennent place dans les transformations présentes de la société : elles en sont à la fois l’effet et l’acteur.
Le projet est ouvert à tous les secteurs des sciences du langage (sémiotique, pragmatique, linguistique) en relation avec les autres champs disciplinaires sans aucune exclusive. Le colloque concerne donc aussi bien les formes langagières que les domaines d’activité et de connaissance.
On suggère quelques axes d’intervention :
– les nouvelles formes médiatiques : les chaînes d’information en continu et en temps réel ; les journaux en ligne ; les sites personnels et les blogs ; les nouveaux types d’émission télévisée (par exemple la surabondance d’émissions sur la cuisine et la gastronomie) ;
– la communication sociale : libération de la parole des femmes, les « tribunaux médiatiques », la parole judiciaire, la parole politique dans les lieux de divertissement ;
– la communication experte et/ou scientifique à laquelle s’oppose le vécu, le ressenti, les croyances (par exemple dans le domaine de la médecine, avec les médecines alternatives, le rejet de la vaccination, la mise en cause de la médecine occidentale….) ;
– la communication sociale : facebook, twitter, les réseaux sociaux ;
– les discours et leur rapport à la vérité, au « complotisme », aux fake news (les rubriques « décodeurs », « désintox » dans différents journaux…..)
– Langues du colloque : français, italien
– Dates du colloque : jeudi après-midi 11/04 2019 et vendredi matin et après-midi 12/04 2019
– Sont prévues 3 interventions plénières :
Langue et linguistique : Françoise Sullet-Nylander ;
Droit : Marie Cornu ;
Médecine : Antonio Carrassi
-Proposition de communication : 1 page et une bibliographie essentielle avant le 15 septembre à :
marie.jullion@unimi.it et jeanpaul.dufiet@unitn.it
La réponse sera envoyée au cours du mois de novembre 2018
– Inscription au colloque : 100 eu. La publication est prévue.