Compte-rendu

Congressistes

Le deuxième colloque de la SIDF a eu lieu à Murray Edwards College, Cambridge en janvier 2014. Avec une quarantaine de communications, orientées autour de trois thématiques principaux (les sources jusqu’ici peu ou pas utilisées, la reconstitution de l’oral, et le rythme des changements linguistiques) ainsi que trois conférences plenières invitées (de Ralph Ludwig (Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg), de Merja Kytö (Uppsala universitet) et de Béatrice Lamiroy (KU Leuven)), le colloque a permis aux congréssistes d’approfondir la réflexion sur le domaine de l’histoire du français amorcée lors du premier colloque de la société en 2011.

Compte-rendu de la table ronde conclusive

Participants à la table ronde (gauche à droite): W. Ayres-Bennett, C. Marchello-Nizia, R. Waltereit et S. Marnette
Participants à la table ronde (gauche à droite): W. Ayres-Bennett, C. Marchello-Nizia, R. Waltereit et S. Marnette

Les trois thèmes privilégiés du colloque ont été bien suivis et trois personnes se sont chargées de faire le bilan des communications et éventuellement de prolonger ces apports de façon à ce que la Société impulse, sur ces acquis, de nouvelles dynamiques.

I/ Sources jusqu’ici peu ou pas utilisées dans l’étude de la diachronie du français (Sophie Marnette)

  • Multiplicité et richesse : richesse des approches
  • Chroniques de voyage (via Gallica) , sermons protestants, genres journalistiques, prières et rites, manuels épistolographiques, traités de confession, manières de langage, lettres, blogs contemporains (voir la communication de B. Combettes et A. Kuyumkuyan sur « dû à »), lettres de poilus, amendes dans des documents comptables, textes légaux, lettres de rémission, correspondance diplomatique, vies de saints, écrits scientifiques.
  • Corpus très différents : corpus monogénériques ou plurigénériques ; monolingues ou pluridialectaux, idiolectaux.
  • Certains sont en ligne (Base de Français Médiéval). Il y a donc des gisements nouveaux. Il y a aussi des corpus papier. L’accès est très important, et de ce point de vue il y a une grande diversité. Il y a certainement des progrès à faire.
  • Par ailleurs le texte informatisé n’est pas le texte original. Pas de naïveté. Le choix des éditions importe aussi.
  • La SIDF peut devenir instigatrice de mise en commun de données.
  • Le travail sur corpus permet évidemment d’observer des phénomènes dans leur évolution.
  • Des corpus comme des blogs peuvent être très facilement datés (pour l’histoire fine). La contextualisation des actes de langage évidemment compte beaucoup.
  • Dangers : être esclave des corpus électroniques

Discussion

  • P.C. propose un petit atelier à la suite du prochain DIACHRO sur l’optimisation de nos corpus électroniques.
  • Tom se demande comment on peut insérer dans les corpus électroniques la mouvance du texte (par exemple) .

II/ La reconstitution de l’oral des périodes passées (Christiane Marchello-Nizia)

Dîner du gala
Dîner du gala
  • 22 communications ont touché à cette question. Par exemple la conférence de Merja Kytö.
  • Toute une série d’études étudient en tant que genre une image d’un certain oral (pièces
    théâtrales, manières de langage en français langue étrangère, sermons). D’autres étudient
    des phénomènes liés à l’interaction orale (jurons, interjections, appendices parenthétiques).
    L’étude de la prosodie entre dans ce type de rapport à l’oral.
  • Pourquoi cette réactualisation ? Quelques jalons :
    • à la fin du XIXe , Flaubert et d’autres auteurs s’y intéressent avant que Ch. Bally et al. n’articulent ces concepts autour de la notion de discours rapporté.
    • Puis Benveniste et Jakobson d’abord, B. Cerquiglini et Sophie Marnette ensuite.
    • Céline Guillot et Alexei Laurentiev travaillent actuellement sur l’appareillage du DR en ancien français.
  • Pourquoi les diachroniciens ? Parce que beaucoup de théories soutiennent que c’est dans l’oral que s’effectuent les changements linguistiques et que l’examen des DR livre des indices intéressants.
  • Avant les premiers témoignages de justice donc, on ne peut qu’aller puiser de façon heuristique dans le DR écrit. Quelle spécificité au DR ? Quelles zones de recouvrement ?
  • Enfin quelles innovations ? Il faut être prudent, mais toute la diachronie repose sur des hypothèses.
  • C. M-N travaillait sur tres, moult, beaucoup etc. et c’est en mettant en série du DR qu’on aperçoit que tres est dans des contextes oraux à certaines conditions (apostrophes). Dans cette niche des apostrophes, tres apparaît, de même beaucoup apparaît d’abord dans de l’Oral représenté.
  • Conclusion : il faut continuer en balisant autant que possible les îlots d’oral représenté.

Discussion

  • R Ludwig : le texte est non seulement témoin mais aussi moteur de propagation

III/ Le rythme des changements linguistiques (R. Waltereit)

  • Thématique d’actualité. Qui dit rythme dit régularité dans le temps, donc autonomie du linguistique.
  • On souligne à la fois les facteurs externes et internes.

1/ contraste entre diachronie longue et courte

  • Ce que nous concevons comme long et court dépend des données que nous possédons.
    C’est depuis que nous disposons de corpus nombreux que nous pouvons affiner certains simplismes. Cette granularité plus fine remet en cause l’opposition à l’avantage d’une autre : épars/dense. C’est là que la sociolinguistique rejoint la linguistique historique

2/ Directionnalité

  • Le débat sur les causes : ceux qui privilégient les fautes d’acquisition ou les modifications qu’apportent les adultes. Labov 2007 souligne que les enfants apprennent
    plus la langue de la communauté que celle de leurs parents.
  • Que se passe-t-il si la communauté est hétérogène ? Labov montre que l’enfant se dirige
    vers le langage des adultes jeunes et même surenchérit sur ces tendances. Il perçoit la
    mouvance en cours et tend à la renforcer. Cela explique comment l’enfant ne parle pas exactement la langue de ses parents.
  • Chaque génération d’enfant s’aperçoit du dynamisme et le renforce.

Secrétariat assuré par Philippe Caron.